الديون

Pour justifier l’injustifiable, Abdelaziz Rebbah, ministre de l’Equipement et du Transport compare l’incomparable au risque de passer pour un démagogue.

Pour justifier l’injustifiable, Abdelaziz Rebbah, ministre de l’Equipement et du Transport compare l’incomparable au risque de passer pour un démagogue.

Salaheddine Lemaizi
Militant d’ATTAC/CADTM Maroc

Le retrait du duo Rabbah-Khlie du débat prévu le 19 avril avec des membres du collectif STOP TGV sous prétexte de distribution de «revue de presse injurieuse» a donné lieu à de nombreuses sorties des deux responsables relayés par les médias publics et privés, acquis dans la grande majorité à la «Cause TGV». S’opposer à ce projet d’infrastructure, élevé au stade sacralité politique, c’est courir le «risque» d’être accusé tour à tour d’être «lobbyiste des concurrents d’Alstom» (sans blague), «allié de l’USFP pour saboter le gouvernement Benkirane» et le chef d’accusation suprême : «Faire parti des nihilistes qui font de l’opposition systématique aux grands projets d’infrastructures lancés depuis 10 ans au Maroc».

Illustration de cette «grave» accusation, la déclaration de Rebbah, ministre de l’Equipement et du Transport : «Le Maroc […] a lancé d’importants projets, notamment la politique des barrages entamée dans les années 60, le programme de construction d’autoroutes et la privatisation d’entreprises publiques durant les années 80 et 90. Tous ces projets avaient fait l’objet de campagnes de critiques, avant de devenir une source de fierté pour l’ensemble des parties et acteurs. Le même scénario est en train d’être vécu avec le projet de TGV».
Une grande partie de ces «importants projets» ne constituent nullement une «source de fierté» pour une partie des Marocains. Je m’explique :
1. La politique des barrages 
103 barrages ont été construits du temps de roi Hassan II. Ils profitent aujourd’hui en grande partie aux grands agriculteurs, dont le roi. Pourtant ces barrages ont coûté au contribuable entre 1968 et 1999, 100 milliards de dirhams[1]. Des investissements qui ont obligé l’Etat à s’endetter – encore une fois- pour des décennies pour un retour en investissement très faible. Le petit agriculteur qui est devrait-être le premier bénéficiaire de l’irrigation, ne l’est que rarement.
Seul «succès» de ces installations c’est de jouer le rôle d’immenses citernes permettent aux villes d’avoir une auto-suffisance en eau potable. Lancé au départ pour assurer également l’auto-suffisance électrique, les barrages ne fournissent que 18% de l’ensemble de l’énergie électrique du Maroc. Pour N. Akesbi de l’IAV : «La ‘’politique des barrages’’, massive et sélective à la fois, allait concentrer les efforts et les moyens de toute sorte sur quelques espaces limités, des ‘’périmètres’’ équipés et irrigués à partir de grands ouvrages hydrauliques, et couvrant mois d’un dixième des terres cultivables. […] Le « modèle » suivi ne pouvait enclencher une dynamique généralisée dans l’ensemble du secteur agricole et encore moins du monde rural dans son ensemble».
Même son de cloche de la…Banque mondiale : «Plus de 70 % de l’investissement public à l’agriculture vont à la grande irrigation, laquelle bénéficie aux agriculteurs relativement plus aisés et aux exploitations plus grandes»[2]Le TGV aujourd’hui, la «politique des barrages» hier sont des projets qui ne répondent pas aux vrais besoins du Maroc. A cela s’ajoute que dans le cas des barrages, cette stratégie s’est faite dans un manque de transparence de la part des pouvoirs publics. Ce qui demande aujourd’hui, un audit de cette politique et sa dette. 
2. La privatisation des entreprises publiques 
Considérer que la vague de privatisation des entreprises publiques lancée en 1993 a été «bénéfique» pour l’économie marocaine fait partie des mythes néolibéraux au Maroc. Dans la réalité, dire cela est une insulte à l’intelligence des Marocains. Primo, ce bradage du patrimoine public s’est fait dans des conditions opaques. Deuxio, ces ventes ont profité à renforcer la présence française au Maroc sous forme d’un néo-colonialisme décomplexé. Tertio, les privatisations ont contribué à créer un capitalisme marocain assujetti à la monarchie à qu’il doit sa richesse. Cette même monarchie a profité de certaines opérations de privatisations, à commencer par la SNI en passant par Cosumar ou la Sonasid. Ces privatisations n’ont été qu’une opération de prédation économique.
Quand au dernier programme que vous citez : programme des autoroutes et à qui j’ajouterai Tanger Med, programmes des routes rurales, programmes d’électrification, les deux tramways et le développement du réseau ferroviaire. Il faut être vraiment de mauvaise fois pour comparer le TGV avec les autoroutes ou tous les autres projets d’infrastructures que j’énumère. Ces programmes trouvent une justification économique ou sociale à court ou à moyen terme. Il est du droit de chaque citoyen de les critiquer sans être victime d’une campagne de diabolisation dont son victime les anti-TGV.
Au-delà de Rebbah et sa démagogie, avec son TGV, Mohammed VI est en train de répéter les mêmes caprices de Moulay Abdelaziz, son arrière grand-père, qui s’est offert une voiture Ford alors que le Maroc n’avait aucune route goudronnée, sauf dans le palais de Fès. Ce gadget comme d’autres (appareil photo, vélo, etc…) ont été acheté avec des dettes publiques empruntées de la France. Comme si l’histoire se répète ! J’espère de tout mon cœur que je me trompe…
S.L.

[1] Rapport du cinquantenaire, Évolution et perspectives de l’agriculture marocaine par Najib Akesbi P. 96 http://www.rdh50.ma/fr/pdf/contributions/GT3-3.pdf
[2] Banque mondiale, Les enjeux du développement humain, Note, Rabat, 16 juillet 2000, citée par N. Akesbi :

زر الذهاب إلى الأعلى