Luttes

Résistances des travailleur-euse-s au Maroc

Et pourtant ils/elles résistent. Précarisés par le Covid-19 et la cherté de la vie, harcelés par des employeurs et les autorités, abandonnés par les centrales syndicales, des travailleurs du secteur public et privé continuent de mener diverses luttes pour préserver leurs maigres acquis. Le tout dans un climat politique et socio-économique délétère.
Pendant ce temps, les travailleurs sont invisibilisés par la domination dans l’espace médiatique de polémiques triviales et éphémères. Alors que les travailleurs trinquent, le bloc bourgeois fait diversion et jubile.
En ce jour du 1er mai, le bilan de l’année laisse apparaître une diversité de luttes. Les effets du Covid-19 continuent de sévir contre les travailleurs du secteur hôtelier comme le montre la situation des salariés des hôtels Mogador à Marrakech et à Agadir. Ces travailleurs font partie de 950 000 salariés qui ont perdu leurs emplois depuis le début du Covid-19.
Dans le secteur public, les enseignants contractuels continuent de constituer le seul mouvement de taille dans le paysage social et syndical. Ces 100 000 enseignants précaires font face à une machine répressive avec son lot de poursuites judiciaires et d’interdictions des manifestations. La situation des contractuels, comme celle des techniciens de la fonction publique, est synonyme de la domination de la doxa du New Public Management dont le but idéologique est de démanteler le secteur public. Pour les prochains mois, les contractuels continueront à marquer la scène sociale et politique.
L’année sociale a été marquée également par les luttes des travailleurs d’entreprises en souffrance ou en liquidation judiciaire comme La SAMIR ou SICOMEK à Meknès. Grâce aux luttes de la CDT Samir à Mohammedia, les ouvriers de La SAMIR ont réussi à convaincre l’opinion publique de la pertinence d’une raffinerie marocaine. Ces travailleurs luttent désormais face au tout-puissant lobby des hydrocarbures. Ces salariés ne défendent pas seulement leurs maigres salaires, mais bien la souveraineté économique et énergétique de tout le pays.
Dans les Métiers mondiaux du Maroc (offshoring, automobile), la liberté syndicale est menacée. Les travailleurs des centres d’appel continuent de s’inquiéter face au non-respect de ce droit constitutionnel. Dans l’automobile et les métiers du câblage, la précarité sévit au sein de zones industrielles, paradis fiscaux pour les entreprises.
Encore cette année des ouvriers et salariés sont morts dans le champ professionnel. Le Conseil économique social et environnemental estime les décès à la suite d’accidents de travail à 2000 morts par an. Un taux deux fois et demie plus élevé que la moyenne de la région MENA. Deux ouvrières à Fquih Ben Salah ou d’autres à Chtouka Ait Baha ont perdu la vie soit sur la route ou dans les champs agricoles. Ces ouvriers perdent la vie en silence. Une mort silencieuse comme le sont beaucoup de maladies professionnelles.
Ces résistances des travailleurs sont vitales. Ces luttes sont pour la survie d’une classe sociale menacée par la précarité, l’uberisation, la désindustrialisation et les compromissions des leaders syndicaux avec la bourgeoisie et le pouvoir politique.
Par Salaheddine Lemaizi, journaliste à ENASS et membre d’ATTAC Maroc. Ce texte est une version remaniée d’un éditorial du média ENASS à l’occasion du 1er Mai. Publié avec l’accord de l’auteur.

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