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DECLARATION FINALE D’ABIDJAN

QUATRIEME UNIVERSITE DU CADTM-AFRIQUE EN COORDINATION AVEC LA MARCHE MONDIALE DES FEMMES (MMF) ET LE FORUM NATIONAL SUR LES STRATEGIES ECONOMIQUES ET SOCIALES (FNSES)

SOUS LE SLOGAN:

PREVENIR LE SCENARIO DES DECENNIES ECONOMIQUES « PERDUES » : REGARD FEMINISTE SUR LA CRISE DE LA DETTE EN AFRIQUE, LA NECESSAIRE REFORME DE L’ARCHITECTURE FINANCIERE INTERNATIONALE ET LE REGIME FISCAL MONDIAL

DECLARATION FINALE D’ABIDJAN

Le Réseau CADTM-Afrique (Comité pour l’Abolition des Dettes illégitimes) dont la Coordination des luttes féministes, en coordination avec la Marche Mondiale des Femmes (MMF) et le Forum National sur les Stratégies Economiques et Sociales (FNSES), ont organisé la quatrième édition de l’Université d’été du CADTM-Afrique du 25 au 29 Juillet 2024, à Abidjan en Côte d’Ivoire, dans le centre de la Conférence Episcopale Régionale de l’Afrique de l’Ouest (CERAO) sise au quartier Cocody.

Cette université a été un espace d’échanges, d’expériences, d’analyses, de mobilisations populaires et de propositions d’alternatives entre les mouvements sociaux venus de plusieurs pays : Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal, Maroc, Tunisie, Burkina Faso, Togo, Bénin, République démocratique du Congo, Burundi, Cameroun, Gabon et Belgique.

Le mécanisme de la dette comme système de pillage des ressources au profit des classes dominantes du Nord et du sud, ses conséquences sur les conditions de vie sociale et économique des peuples du continent africain ont été au centre des travaux de cette université.

Nous, mouvements sociaux réunis à cet effet à Abidjan en Côte d’Ivoire, après avoir échangé sur le contexte de la situation politique et économique globale et au niveau de l’Afrique, avons au sein de cet espace, analysé plusieurs thématiques se rapportant aux problèmes qui entravent l’épanouissement social et économique du continent africain particulièrement celui de la Côte d’Ivoire.

Ainsi, nous avons abordé ce qui suit : 

  • Histoire de la dette africaine, niveaux actuels de la dette, impacts économiques
  • Endettement et gestion de la Dette Publique en Côte d’Ivoire
  • Femmes et dettes dans les mailles du capitalisme et du patriarcat
  • Comment les politiques financières affectent les communautés locales
  • Comprendre la justice fiscale mondiale : comment atteindre l’équité et légalité
  • Souveraineté alimentaire et changement climatique
  • Les bases de la souveraineté alimentaire en Afrique
  • Endettement et gestion de la dette publique en Côte d’Ivoire
  • La dette et les accords de libre-échange comme instruments du néocolonialisme
  • Comprendre le lien entre la dette et les industries extractives et les risques associés aux prêts garantis par les ressources naturelles
  • Le rapprochement entre la Banque des BRICS et l’Afrique constitue-t-il une réelle opportunité pour le continent ou de nouvelles menaces ?
  • Les mécanismes multilatéraux de résolution des crises de dettes souveraines
  • Les projets d’autonomisation économique de la BAD en faveur des femmes et de l’engagement de la société civile  
  • La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) et son incidence sur le développement social et économique de l’Afrique
  • L’impact des projets financés par les institutions financières internationales sur les femmes communautaires et du secteur informel.

La pertinence des problématiques analysées au cours de cette université, nous amène à réaffirmer la nécessité d’élargir la collaboration entre les mouvements sociaux des pays du Sud d’une part et d’autre part entre ceux du Nord et du Sud. La construction croissante de résistances contre le système dette et les politiques de domination constituent le seul moyen pour se libérer de la logique de dépendances dans laquelle le système capitaliste nous emprisonne. 

Ainsi, nous, mouvements sociaux réunis durant ces trois jours avons remarqué une fois encore :

  • Qu’au-delà des effets d’annonce d’effacement de la dette par les pays dits développés et autres institutions de Bretton Woods, une vague de crise de la dette remet certains Etats africains dans l’impossibilité d’assurer le bien-être de leurs populations ;
  • Que le système-dette et la fuite des capitaux constituent une entrave pour l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) adoptés en 2015 qu’à ce titre, ces objectifs sont considérés comme morts nés ;  
  • Que les accords monétaires entre la France et les Pays de la Zone Franc, constituent des instruments de financement et de pillage des matières premières en faveur de la France et qu’à ce titre, ils font partie des causes structurelles du sous-développement en Afrique ;
  • Que les accords dits de partenariat économique (APE), les accords de libre -échange complet et approfondi (ALECA) en Afrique du Nord et la zone de libre-échange continentale Afrique (Zlecaf) ouvrent nos frontières aux multinationales pour l’accaparement de nos richesses et approfondissent la dépendance structurelle de nos pays. Avec la dette, ils constituent les deux principaux piliers du néocolonialisme.
  • Que les multinationales particulièrement les industries extractives présentes en Afrique développent leurs activités au mépris du droit à la vie des populations et des travailleuses, et qu’elles exercent leur pillage en toute liberté et en toute impunité sans contrôle des autorités politiques et administratives ;
  • Que l’orientation de l’agriculture vers l’exportation au profit de la culture de rente détruit l’agriculture vivrière, accentue l’appauvrissement des paysans et la dépendance alimentaire de nos pays vis-à-vis de ceux du Nord ;
  • Que le système de microcrédit au lieu de lutter contre la pauvreté, nous enfonce davantage dans l’extrême pauvreté, le stress, l’humiliation et la violence ;
  • Que les textes réglementaires et législatifs sur le transport routier inter-Etats qui garantissent la libre circulation des personnes et des biens dans l’Espace CEDEAO sont systématiquement violés dans les différents postes de contrôle ;
  • Que les mouvements sociaux ne sont pas suffisamment consultés pendant la conception, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des programmes et politiques de développement.     

Pour l’ensemble des raisons susmentionnées, nous, mouvements sociaux :

  1. Exigeons l’annulation de la suppression des subventions destinées aux produits alimentaires, carburants et au secteur de l’électricité, imposée par le Fonds monétaire international (FMI) au gouvernement ivoirien et qui a causé l’augmentation des tarifs d’électricité ;
  2. Nous exigeons que la Banque africaine de développement (BAD) verse des réparations aux communautés impactées par ses projets de barrages hydroélectriques, des centrales thermiques ou au charbon, des mines et des plantations de monoculture à Tabot et à Jacques Ville en Côte d’Ivoire, à Sanamadougou et Sahou au Mali, à Bomboré au Burkina Faso, à Malika au Sénégal, au Batchenga au Cameroun et Souapili en Guinée Conakry ;
  3.  Exigeons la réalisation d’un audit citoyen de la dette extérieure publique et privée ainsi que la dette intérieure de la Côte d’Ivoire pour en déterminer les parts illégitimes, illégales, odieuses et insoutenables et procéder à leur abolition pure et simple ;
  4. Demandons la résiliation de tous les accords de libre-échange, de partenariat et d’investissements et couper avec les dispositions de l’OMC.
  5. Exigeons la sortie immédiate et sans condition du Franc CFA et la création d’une Monnaie unique africaine indépendante ;
  6. Exigeons la mise en place d’une Banque du Sud, parallèlement à l’abolition des Institutions de Bretton Woods (FMI et Banque Mondiale) ;
  7. Encourageons la transformation des tontines traditionnelles en coopérative d’épargne et de crédit autogérée à taux zéro et non clientéliste ;
  8. Exigeons que toutes les femmes et les hommes victimes du microcrédit reçoivent des réparations pour les préjudices subis ;  
  9. Exigeons l’arrêt immédiat des politiques migratoires et inhumaines de l’Union européenne et son ingérence dans le Sahel ;
  10. Exigeons la renationalisation de toutes les sociétés et services publics d’État qui ont été privatisées sous la pression du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale et contre les intérêts des africains ;
  11. Refusons le partenariat public privé qui ne sont que la face cachée de la privatisation ou la mobilisation de l’argent public pour nourrir le privé ;
  12. Exigeons l’arrêt et l’annulation des contrats de prêts chinois et concessions d’autres multinationales basées sur le pillage systématique des ressources naturelles ;
  13. Exigeons l’arrêt immédiat de l’accaparement des terres, du pillage des ressources minérales du continent africain ne profitant qu’à une minorité ;
  14. Exigeons l’abolition de toutes les formes d’oppression (sociale, patriarcale, néocoloniale, politique, etc.) afin de promouvoir un développement autour des priorités et spécificités des peuples de l’Afrique ;
  15. Préconisons d’impliquer davantage la société civile et les mouvements sociaux dans toutes les réformes politiques et institutionnelles ;
  16. Dénonçons la répression des mouvements sociaux et exigeons la libération immédiate de tous les prisonniers politiques et de guerres à travers le monde.  

Nous ne devons rien, nous ne paierons rien.

Un autre monde est possible.

Fait à Abidjan le 27 Juillet 2024

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