Préambule
Les manifestations les plus significatives de la mondialisation capitaliste englobent les crises bancaires, les dettes publiques et privées, la consolidation du système dette, ainsi qu’une myriade d’autres défis tels que les crises économiques, alimentaires, environnementales et politiques, les migrations, les guerres et le terrorisme. Cette mondialisation est considérée comme une mise en œuvre de politiques libérales visant à universaliser la logique du marché à tous les aspects des activités humaines au détriment des acquis sociaux et des besoins des peuples et des acquis de la classe ouvrière et des couches populaires (droits économiques et sociaux, droits civils et politiques).
La dynamique actuelle, encouragée par les institutions financières et commerciales mondiales étroitement liées aux multinationales et aux États impérialistes dominants, exprime la volonté d’éliminer toutes les barrières à la libre circulation des marchandises et des capitaux et d’étendre la domination du capital financier.
La mondialisation capitaliste et les politiques néolibérales ne permettent pas de construire un monde de solidarité, mais creusent plutôt les inégalités entre les pays du Nord et du Sud, ainsi qu’au sein de chaque pays séparément. Ils exacerbent la dépendance des pays du Sud, augmentent considérablement les dépenses d’armement, favorisent le militarisme impérialiste et exposent la planète à une terrible crise environnementale qui menace son existence. Les puissances du monde entier combinent leurs efforts pour dominer, que ce soit par le biais de guerres coloniales directes ou de guerres commerciales, en renforçant le pouvoir des entreprises transnationales qui imposent leur volonté aux nations pour garantir leurs profits. Cela permet également de perpétuer des crises économiques qui se résolvent aux dépens des classes populaires et de l’épuisement des ressources naturelles conduisant à la destruction de l’environnement en général dans divers pays du monde. Pour notre pays et pour la plupart des pays du Sud, cela signifie une recolonisation complète sous des formes nouvelles.
Avec l’expansion de la dynamique de la mondialisation capitaliste, des dynamiques sont apparues pour y faire face et lutter contre ses impacts, visant à construire des alternatives populaires. Ces dynamiques diverses se sont engagées dans des luttes contre les conséquences les politiques d’austérité imposées, les institutions financières mondiales, les multinationales, les accords internationaux visant à intensifier le pillage des richesses des pays du Sud, les guerres impérialistes et la destruction de l’environnement. Elles ont cherché à interconnecter leurs actions et à construire des mouvements et des organisations capables à la fois d’agir sur le terrain et de présenter des contre-projets et des alternatives. Les ATTAC représentent l’un des mouvements les plus importants qui ont émergé pour se défendre radicalement contre les politiques libérales avec et des perspectives qui s’enrichissent de jour en jour. ATTAC CADTM Maroc est engagée dans ce mouvement mondial contre la mondialisation capitaliste, luttant contre ses maux locaux dans différents domaines et sur des fronts multidimensionnels :
Accords de libre-échange : nouveaux accords coloniaux
Les soi-disant accords de libre-échange signés par le Maroc avec 56 pays, impliquant principalement de grandes puissances impérialistes comme l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique, visent avant tout à accorder une pleine liberté aux capitaux et aux marchandises étrangères (souvent subventionnées) pour envahir le marché intérieur. Ils détruisent le tissu économique local, approfondissent notre dépendance économique, portent atteinte à notre souveraineté alimentaire, généralise la marginalisation et l’exclusion sociales et exacerbe la détérioration des conditions de vie et de travail de la majorité des couches sociales. À travers ces accords, le Maroc aligne sa réglementation sur les lois internationales en faveur des multinationales et pour assurer les intérêts des investisseurs.
L’accord de libre-échange approfondi et complet (ALECA), dont les négociations sont en suspens depuis 2014, traduit les exigences européennes en matière de concurrence, de propriété industrielle et de protection juridique des investisseurs. Il vise à harmoniser les lois marocaines avec les normes européennes dans tous les domaines bénéfiques à l’accumulation du capital et à accroître la libéralisation du secteur des services, y compris les services publics, et à faciliter l’accès aux marchés publics.
Alors que les deux parties, le Maroc et l’Europe, vantent les avantages de ces accords de libre-échange comme étant des preuves éclatantes d’ouverture et de progrès, les portes des villes occupées de Ceuta et Melilla sont fermées aux citoyen·nes. Elles s’accordent pour renforcer les mesures face aux migrant·es venant du Maroc et de toute l’Afrique, renforçant ainsi le rôle du Maroc en tant que gendarme au service de l’Europe.
Dans le cadre de cet échange inégal, une partie des grands capitalistes marocains, liés à l’appareil d’État et soutenu par lui, se dirigent vers les pays du continent africain pour investir dans certains secteurs. Ils suivent le rythme de la politique des impérialismes en compétition pour les immenses richesses de l’Afrique. Ils jouent également le rôle de mandataires au profit du capital mondial, non seulement au Maroc, mais sur tout le continent, et entrent en concurrence avec d’autres puissances régionales qui aspirent à jouer un rôle similaire.
La dette : un transfert massif de richesse en faveur des capitalistes et un mécanisme de pérennisation de la dépendance
La dette sert de mécanisme de transfert de richesse produite par les travailleurs·euses et les petits producteurs·rices au profit des capitalistes, tant au niveau national qu’international. Notre pays est accablé par une dette accumulée en l’absence de tout contrôle populaire et qui a servi de base à la consolidation d’un système politique despotique et à l’établissement d’un système économique dépendant. Pour assurer le remboursement de la dette, le trio Banque mondiale – Fonds monétaire international –Organisation mondiale du commerce dicte conjointement des politiques libérales axées sur le développement du grand capital au détriment de la classe ouvrière, des petits producteurs·rices et des couches populaires.
Ainsi, les dettes ne sont pas simplement des prêts qui doivent être remboursés, mais un système d’esclavage, d’oppression et d’assujettissement de notre peuple, ainsi qu’un pillage généralisé de ses richesses par le capital national et étranger. Cela nécessite la revendication que nous avons toujours défendue : l’abolition de la dette publique intérieure et extérieure comme étape nécessaire vers la construction de notre souveraineté populaire et alimentaire et vers la coupure avec les centres de décision étrangers, c’est à dire les institutions financières et commerciales internationales et les puissances impériales.
L’abolition de la dette permettra de fournir les ressources financières nécessaires à un véritable développement axé sur la satisfaction des besoins fondamentaux et à l’instauration de politiques publiques par des institutions véritablement démocratiques, indépendantes dans leur prise de décision et garantissant un contrôle populaire direct. L’audit des dettes est une étape nécessaire pour une large mobilisation contre les dettes et leurs impacts et pour préparer les conditions subjectives pour revendiquer l’abolition de la dette publique.
ATTAC CADTM Maroc travaille aux côtés d’autres organisations militantes pour enraciner la revendication d’un audit des dettes et la nécessité de se mobiliser pour leur abolition dans les protestations populaires et ouvrières et les luttes contre l’oppression, la hausse des prix et l’austérité. De plus, notre association consacre également des efforts à l’éducation populaire pour s’assurer que cette revendication soit comprise par les différentes victimes du système dette.
La lutte contre les dettes privées illégitimes portées par les classes populaires
Les mesures d’austérité qui résultent de l’endettement aggravent la pauvreté et réduisent les revenus. Le recours à l’endettement privé est devenu un besoin urgent pour les salarié·es et les couches populaires, d’où l’endettement croissant des ménages à faibles revenus auprès des banques et des institutions de microcrédit qui imposent des taux d’intérêt exorbitants. Les luttes des femmes victimes du microcrédit, principalement dans les régions du sud-est du Maroc, ont mis en évidence l’ampleur du désastre social perpétré par ces institutions dont le véritable objectif est d’attacher les pauvres aux marchés financiers.
Tout comme pour l’audit de la dette publique, une large mobilisation sociale est nécessaire pour enquêter sur les différentes formes d’exploitation et d’abus commis par les institutions de microcrédit, les établissements de crédit à la consommation et les établissements bancaires à l’encontre des victimes issues des couches populaires. Cela nécessite également un audit des pratiques illégitimes et illégales qui justifient l’abolition de ces prêts.
La lutte pour la justice climatique et environnementale est indissociable de la lutte pour la justice sociale
La crise écologique est l’une des manifestations les plus importantes de la crise de civilisation à laquelle est confronté le système capitaliste aujourd’hui. Cette crise est liée au mode de production capitaliste et à son système de distribution et de consommation imposé aux habitants de la planète à travers le contrôle croissant des multinationales dans tous les aspects de la vie (eau, air, plantes, médias, santé, éducation, etc.)
Dans le cadre de son adhésion aux centres de décision étrangers, c’est-à-dire les institutions financières et commerciales internationales et les gouvernements des pays impérialistes, l’État marocain met en œuvre des politiques qui permettent aux capitalistes étrangers et locaux de s’emparer et d’épuiser les richesses terrestres, maritimes et aériennes de notre pays, aux dépens des couches populaires appauvries des villes et des villages. Les stratégies sectorielles représentent l’un des domaines où ces politiques se manifestent. L’État s’efforce de transformer les dégâts environnementaux résultant de sa politique en un domaine d’investissements « verts » en utilisant d’énormes allocations financières qui conduisent à l’accentuation de la dette publique.
De toute évidence, la logique centrée sur une productivité énorme et une consommation croissante, qui constitue le cœur des politiques globales poursuivies, aggravera la détérioration des ressources naturelles et de la biodiversité. Cela nécessite un effort collectif important pour procéder à un examen complet de l’étendue des dégâts. La question environnementale dans notre pays est donc liée à la nature des choix politiques, économiques et sociaux qui perpétuent les inégalités. La recherche du profit est la cause de la destruction de l’environnement et de l’épuisement des ressources dans toutes les régions du monde aux dépens des couches appauvries des villes et des villages. Ceci est résumé dans le terme « développement durable » utilisé par les gouvernements, les institutions internationales et les multinationales, qui désigne essentiellement la poursuite du développement dans le cadre d’une économie capitaliste et en y intégrant l’environnement.
L’association ATTAC CADTM Maroc lutte pour la justice environnementale selon le concept articulé par les mouvements et organisations au niveau mondial et local, qui lie la détérioration rapide et sévère de l’environnement au modèle du système de production et de consommation capitaliste et à sa crise structurelle actuelle.
L’exploitation de l’environnement et la destruction des ressources sont indissociables de l’exploitation des humains et de la généralisation des différentes formes d’injustice et d’oppression subies par la majorité de la population, notamment dans les pays du Sud. Dès lors, la lutte pour la préservation de l’environnement est donc indissociable de la lutte pour la justice sociale et la redistribution des ressources. De même, elle est également indissociable de la lutte pour une véritable démocratie, qui repose sur l’implication du peuple à disposer de lui-même.
Approfondir la dimension féministe de notre lutte
La crise du capitalisme néolibéral dévaste la vie de la grande majorité de l’humanité sur les plans économique, social et environnemental. Cette crise touche particulièrement les femmes, qui effectuent les trois quarts du travail non rémunéré et constituent la majorité des pauvres et des victimes de la violence patriarcale dans le monde. Les femmes sont les principales victimes de la fermeture des frontières devant les migrants en provenance des économies pillées, de zones de conflits et de guerres en quête d’une vie sûre. En outre, les femmes subissent une grave exploitation sur leurs lieux de travail et reçoivent de faibles salaires. Elles représentent 80 % de toutes les victimes des institutions de microfinance dans le monde. La crise capitaliste multidimensionnelle alimente toutes les autres formes d’oppression fondées sur le genre et la race et favorise la montée d’une droite hostile aux droits des femmes.
Les femmes marocaines souffrent énormément de l’oppression et de l’exploitation capitalistes. Leur situation est d’avantage aggravée par le système dette et par les politiques d’austérité généralisées mises en œuvre par les dirigeants du pays en coopération avec les centres de décision impérialistes.
L’implication généralisée des femmes dans les mouvements sociaux dans les villes et villages du Maroc contre la marginalisation et la pauvreté, comme le Hirak du Rif, a révélé la fausseté des programmes de développement néolibéraux. ATTAC CADTM Maroc œuvre pour soutenir et s’engager directement dans tous les mouvements dirigés par ou impliquant des femmes pour encourager leur résistance et imposer leurs propres revendications en tant que genre, ainsi que pour faire face aux politiques d’injustice et de discrimination sociale à leur égard. Notre association s’efforce d’éliminer les disparités de genre dans tous les domaines de la vie grâce à des actions positives et à une éducation populaire féministe.
ATTAC CADTM Maroc est considérée comme une association aux principes de pensée et de pratique féministes. Elle s’efforce constamment d’approfondir la dimension féministe dans ses élaborations et ses luttes.
ATTAC CADTM Maroc : une association d’éducation populaire tourné vers l’action
La tâche première d’ATTAC CADTM Maroc consiste à produire des outils d’éducation populaire permettant de comprendre la nature de l’offensive néolibérale et les mécanismes permettant d’y résister et de vaincre.
ATTAC CADTM Maroc est consciente de la profondeur de la crise du système capitaliste mondial et du capitalisme dépendant dans notre pays. Elle œuvre au développement d’alternatives populaires au système capitaliste, dont le maintien menace les fondements de la vie sur terre. Avec toutes les forces de la lutte sociale, elle cherche à couper avec le capitalisme pour aller vers un système socialement juste, écologiquement durable, garantissant les libertés démocratiques et réalisant l’égalité.
ATTAC CADTM Maroc, cherche à diffuser les informations sur les politiques économiques et sociales qui sont élaborées dans les centres de décision capitalistes : les multinationales, les institutions financières internationales et les gouvernements des principales puissances impérialistes. Ces politiques impactent négativement la vie quotidienne des citoyen·nes et compromettent leurs acquis et leurs droits. Nous voulons contribuer au développement d’une large résistance populaire, en s’inspirant des expériences de résistance qui émergent et se développent au niveau national, régional et international.
ATTAC CADTM Maroc ne cherche pas à remplacer les organisations ouvrières et populaires existantes, mais plutôt à consolider les traditions de pensée collective et de coordination sur le terrain entre les différentes résistances.
Nous voulons une autre mondialisation fondée sur la solidarité entre les peuples, où demain est synonyme de justice sociale, de liberté, de démocratie, de dignité et de développement construit en synergie et contraire à la logique du marché capitaliste.
À ATTAC CADTM Maroc, nous sommes engagé·es sur le plan international dans la lutte :
Pour l’abolition du système dette. Notre implication active dans le réseau international du CADTM (Comité pour l’abolition des dettes illégitimes) représente un aspect de ces luttes.
Contre les institutions financières et économiques internationales.
Contre les accords de libre-échange.
Contre les guerres impérialistes, la militarisation et les alliances militaires, et en faveur de l’affectation des dépenses militaires au financement des services sociaux.
Pour la justice climatique et environnementale.
Aux côtés de toutes les mobilisations qui cherchent à renforcer les capacités de la classe ouvrière et des opprimés à affronter le système capitaliste et à plaider pour la démocratie et la justice sociale.
À ATTAC CADTM Maroc, nous sommes engagé·es sur le plan local dans la lutte contre :
Les programmes d’ajustement structurel et leurs nouvelles formulations, contre toutes les politiques dictées par les institutions financières, commerciales et politiques internationales qui perpétuent la domination des multinationales sur notre pays et condamnent la majorité de la population à vivre dans le sous-développement, l’ignorance et le dénuement.
Les dettes qui servent de mécanisme pour drainer les richesses de notre pays sous la supervision des institutions financières internationales. Ces dettes sont destinées au développement capitaliste dépendant, tandis que la population supporte son fardeau en vivant une vie d’austérité, de pauvreté et de souffrance.
Le système de microcrédit qui pèse sur les classes populaires, en particulier les femmes, et les intègre dans un cercle infernal d’une vie indigne.
Une fiscalité qui écrase la classe ouvrière et les petits producteurs. Nous revendiquons un impôt progressif sur la richesse et sur les transactions financières.
Privatisation des établissements publiques.
Privatisation des services publics et remise en cause de leur solidarité en les soumettant à la logique du marché et les liant à la capacité de payer.
Lois, décisions et réglementations visant à démanteler et à abolir la fonction publique (généralisation des contrats à durée déterminée, embauche régionale, etc.) et à abolir les lois de travail porteuses d’acquis pour les travailleurs.euses.
Des politiques oppressives qui ciblent les chômeurs.euses.
Démanteler les systèmes de protection sociale et de retraite par des réformes qui sapent tous les acquis des travailleurs.euses.
Des hausses de prix résultant d’une forte dépendance économique.
Des politiques agricoles basées sur l’exportation et l’épuisement de l’eau et des terres, et n’assurant pas notre alimentation.
Des politiques qui détruisent l’environnement et accélèrent le pillage des ressources naturelles.
Contre les détentions politiques et pour la libération de tous·tes les détenu.e·s d’opinion et de contestation sociale.
Pour une démocratie véritable et authentique où le peuple fera ses choix économiques et sociaux.
Pour une réelle égalité de genre et pour faire supporter au système capitaliste les coûts de reproduction sociale imposés aux femmes.
Par ailleurs, ATTAC CADTM Maroc lutte également localement pour réaliser les principales revendications suivantes :
Réaliser un audit public de la dette totale du Maroc, en identifier et en abolir les parties odieuses et illégitimes, et réaffecter les fonds qui lui sont alloués pour améliorer les conditions de vie et ouvrir la voie à un développement solidaire.
Mettre en place un système de financement public des petits producteurs et des classes populaires sous contrôle populaire et faire des services bancaires un service public.
Un secteur public sous contrôle populaire qui répond aux besoins des citoyen·nes pour une vie décente.
Réduire le nombre d’heures légales de travail par semaine et abaisser l’âge de la retraite.
Une protection sociale solidaire complète pour tous les travailleurs·euses et petits producteurs·rices.
Adoption de la clause d’indexation, c’est-à-dire une augmentation générale des salaires en fonction du coût de la vie.
Adopter une politique agricole basée sur la garantie de la souveraineté alimentaire et hydrique et le respect de l’environnement et contre la paupérisation des petits agriculteurs et pêcheurs.
Une vraie justice environnementale et la souveraineté des communautés sur leurs territoires (terre, eau, forêts, mer, etc.) et pour une transition énergétique juste.
Approuvée par le VIIe Congrès National tenu à Rabat les 16, 17 et 18 décembre 2022
Version anglaise ici