Néolibéralisme

L’Agrégation Agricole dans la Stratégie Nationale de l’Agribusiness à Madagascar

L’agrégation agricole est le nouveau concept promu par le Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche  pour atteindre l’autosuffisance alimentaire, et l’Agribusiness le modèle agricole à développer pour transformer le secteur agricole malagasy.

 L’agrégation agricole consiste en un contrat signé entre des coopératives d’agriculteurs, éleveurs ou pêcheurs, qui sont les « agrégés », et une entreprise, l’investisseur qui est « l’agrégateur ».

Cette agrégation étant une autre forme de l’agriculture contractuelle déjà pratiquée à Madagascar, le contenu de quelques contrats de production utilisés ces dernières années est présenté, et fait l’objet de commentaires et réflexions. L’entreprise avance les semences, engrais, matériel et encadre les paysans.  Les paysans cultivent leurs terres en utilisant les intrants fournis, en respectant strictement les différentes instructions de l’entreprise et doivent lui vendre, à un prix souvent fixé au moment de la signature du contrat, toute leur récolte sauf les produits qui ne respectent pas les normes. La perte d’autonomie des paysans est manifeste, la plus-value bénéficie majoritairement à l’investisseur, le partenariat est « petit gagnant-grand gagnant ».

La signature des contrats par des coopératives de producteurs à la place des paysans individuels, membres ou non d’associations, maintiendra le rapport de forces très inégal entre l’investisseur et les agriculteurs dans l’agrégation.

Par ailleurs, la logique économique des agrégateurs qui consiste à opter pour l’opportunité qui leur fait gagner le maximum de bénéfices, risque fort de les amener à préférer investir dans des produits à forte valeur ajoutée qui ne sont pas des produits vivriers. Et même s’ils s’engagent dans la riziculture, ils risquent de préférer exporter le riz plutôt que de le commercialiser sur le marché local. De gros doutes sont donc émis sur la capacité de cette stratégie à atteindre l’autosuffisance alimentaire. Il est crucial que les responsables et décideurs prennent en compte les besoins de la population malagasy dès l’attribution du permis d’agrégation en fonction du produit choisi par l’agrégateur, et contrôlent plus tard les quantités destinées effectivement à l’exportation ou à la consommation locale, quelles que soient leur foi et confiance aux bienfaits du partenariat public-privé. Les dirigeants devront avancer la place du soutien de l’Etat aux producteurs de l’Agriculture Familiale dans les projets prioritaires du Plan Emergence Madagascar.

Pour la riziculture, les mesures en vue de la maîtrise de l’eau, qui revêt une importance capitale, ne sont pas suffisamment développées dans la Stratégie Nationale de l’Agribusiness (version juillet 2020) et dans le Plan Emergence Madagascar 2019-2023 (version janvier 2021), alors que le dérèglement climatique perturbe gravement les activités agricoles. Aucune solution explicite aux problèmes récurrents de soudure rencontrée par la majorité des paysans n’est proposée.

L’agrégation agricole ayant été appliquée pendant plus de 10 ans par le Plan Maroc Vert, les principaux enseignements de l’expérience marocaine, partagés dans une interview, montrent que le paysan devient de plus en plus dépendant et n’a pas les moyens de contrôler les prix de vente de sa production. Les grands groupes ont la mainmise à tous les niveaux, et accaparent l’argent, la sueur et les terres des petits agriculteurs qui s’appauvrissent.

Un appel à la vigilance de tous les citoyens est lancé dans le cadre du futur projet de loi sur l’agrégation agricole annoncé dans la Stratégie nationale de l’Agribusiness et dans la presse.

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