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ATTAC CADTM Maroc : 20 ans de lutte pour un autre Maroc possible, un Maroc de justice sociale et environnementale, de dignité et de liberté

par: Aziki Omar

Contexte de naissance

  • Contexte mondial

Les années 1990 étaient marquées une montée des luttes contre la mondialisation néolibérale déchainée par la chute du mur de Berlin. Un ensemble de réseaux mondiaux ont été alors constitués comme le CADTM (Comité pour l’annulation de la dette du Tiers monde) en 1990, le mouvement paysan international La Via Campesina en 1993, la Marche mondiale des femmes à la fin des années 1990, Jubilé Sud en 1999, et puis ATTAC à partir de 1998. Le blocage du sommet de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) à Seattle en novembre 1999 par 40 000 manifestant·e·s constituait l’une des premières manifestations altermondialistes d’envergure. Ces différents mouvements ont convergé dans la création du Forum social mondial en 2001. Ce dernier permettait la convergence des diverses thématiques (annulation de la dette, souveraineté alimentaire, libération des femmes, taxation des transactions financières, etc.) pour une compréhension globale de la domination du capitalisme et sa destruction de notre planète, le développement des alternatives pour un autre monde possible et la coordination des contestations, dans un esprit de consensus, contre les institutions financières internationales (Banque mondiale, Fonds monétaire international, Organisation mondiale du commerce, etc.) et les puissances impérialistes (USA, Union européenne, etc.).

Contexte national

C’est dans ce contexte mondial de mobilisations qu’est née l’association ATTAC Maroc. Les premières discussions entre militant·e·s de divers horizons ont été initiées au début des années 2000 et une première assemblée constitutive d’ATTAC Maroc a été organisée à Rabat en juillet 2000 malgré les harcèlements des autorités[1]. Le premier congrès national a été tenu les 14 et 15 juillet 2001 à Casablanca. L’association a eu son récépissé légal le 29 mars 2002. Après trois ans de crise organisationnelle, les groupes locaux qui n’ont jamais arrêté leur travail de construction et de soutien des luttes notamment contre les privatisations des services publics (Yaacoub El Mansour à Rabat, Lydec à Casablanca, transport urbain à Agadir…) ont réussi à tenir, en décembre 2005, un congrès extraordinaire qui a constitué une étape qualitative pour la construction d’une association d’éducation populaire tournée vers l’action et le renforcement des alliances avec les autres organisations de lutte comme les diplômé·e·s chômeur/euses, les syndicats, les coordinations de contestations populaires et beaucoup d’autres initiatives sur divers thématiques (migrations, droits humains, etc.).

En 2006, ATTAC Maroc a adhéré au réseau CADTM (Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-monde, qui deviendra, à partir de mai 2016, Comité pour l’abolition des dettes illégitimes). Cette adhésion se concrétisa dans les statuts du IVème congrès national tenu le 29 janvier 2012 et le nom de l’association deviendra dès lors ATTAC CADTM Maroc.

C’était l’époque de la gestion de la transition monarchique facilitée par le gouvernement dit d’alternance (1998-2002) institué par le roi Hassan II, décédé en juillet 1999. La monarchie tente d’atténuer l’ampleur de la période appelée « les années de plomb ». Les politiques libérales d’ouverture de l’économie contenues déjà dans le programme d’ajustement structurel (1983-1993) se poursuivent. Notons que pendant ces 10 années du PAS, le Maroc a connu 3 grands soulèvements populaires (juin 1981, janvier 1984 et décembre 1990) avec une large majorité de jeunes, qui attestent de la brutalité des politiques d’austérité sur les salarié·e·s et les couches pauvres de la population.

Le Maroc a accueilli la Conférence du GATT (l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) qui s’est tenue à Marrakech du 7 au 15 avril 1994 et qui consacrait la signature de l’acte fondateur de l’OMC (Organisation mondiale du commerce). En plus du commerce des marchandises que régissait le GATT, l’OMC englobe le commerce des services et la propriété intellectuelle et inclut de nouvelles procédures de règlement des différends commerciaux. Le Maroc est devenu membre de l’OMC le premier janvier 1995. Un accord de libre-échange est signé entre le Maroc et l’Union européenne le 26 février 1996 et entré en vigueur le 1er mars 2000. Il portait sur l’élimination progressive – sur une décennie – des droits de douane sur les produits industriels entre les deux signataires.

Les privatisations des entreprises et établissements publics lancées en 1993 s’élargissent. Celles des services publics, en vertu des dispositions de l’Accord général sur le commerce et les services (AGCS) de l’OMC, sont entamées à travers les premières expériences de « gestion déléguée » de la distribution d’eau potable et d’assainissement liquide en zone urbaine :

  • En 1997 à Casablanca au profit de Lydec, filiale marocaine de la Lyonnaise des eaux de la multinationale française GDF Suez appelé aujourd’hui groupe ENGIE.
  • En 1998 à Rabat au profit de Redal, filiale marocaine de la multinationale française Veolia.
  • A Tanger et Tétouan en 2002 au profit d’Amendis, filiale elle aussi de Veolia.

Les contrats de « gestion déléguée » s’étendent au transport urbain par autobus, au service de collecte des déchets ménagers, à la gestion des décharges publiques, etc.

Un vaste programme de réformes libérales du secteur de l’enseignement a été entamé avec l’adoption en 1999 de la « Charte nationale d’éducation et de formation ». Par ailleurs, un décret du 30 mars 1999 mettait fin à la gratuité des services de santé.

Ces privatisations des services publics ont conduit à une montée des protestations populaires contre la hausse des prix et la mauvaise qualité des services.

Les initiateurs et les initiatrices d’ATTAC Maroc ont donc été d’emblée au cœur des effets de la mondialisation libérale sur notre pays et cherchaient à enrichir la réflexion, à partir d’expériences de résistances au niveau mondial, sur l’élargissement du mouvement social au Maroc, et les formes d’organisation à adopter pour créer un rapport de force contre les offensives néolibérales.

Au cœur des luttes sociales

ATTAC Maroc s’est d’emblée engagée activement dans les grandes luttes sociales qu’a connu le Maroc durant la décennie 2000-2010 comme les luttes :

  • De l’Association nationale des diplômés chômeur/euses au Maroc ANDCM (2000-2006).
  • Des habitants de Rabat contre la hausse des factures d’eau (2002-2003).
  • Des ouvriers de la mine Imini (manganèse) au Sud-est du Maroc qui a permis l’acquittement des six mineurs syndicalistes condamnés en première instance à dix ans de prison ferme (2003-2004).
  • De la population d’Al Hoceima contre la marginalisation (2005).
  • Des habitants de Tata pour la gratuité des services de santé (2005).
  • De la population de Sidi Ifni (2005-2008) pour des revendications sociales dont la mise en place de projets de développement pour créer de l’emploi aux jeunes.
  • Des coordinations locales contre la hausse des prix (2006-2008), plus de 70 coordinations ont été créé à travers tout le pays…

Ces différentes luttes ont subi la répression et les arrestations. A Sefrou, le soulèvement de la population, le 23 septembre 2007, contre la hausse des prix des produits de base a été sauvagement réprimé faisant 150 blessés et 40 arrestations. A Sidi Ifni, après plusieurs interventions violentes contre la mobilisation populaire qui a commencé en mai 2005, l’armée et la police ont lancé, le 7 juin 2008, un assaut pour mater le soulèvement avec des exactions systématiques (viols, vols, passage à tabac, etc.), et plus de 300 arrestations dont plusieurs membres du groupe ATTAC Ifni et son secrétaire général Bara Brahim. ATTAC Maroc a initié, le 15 juin 2008, une caravane nationale de solidarité pour lever le blocus de la ville.

ATTAC CADTM Maroc participait aux différentes campagnes de solidarité à l’échelle nationale et internationale contre la répression et la criminalisation des luttes sociales dans notre pays.

ATTAC CADTM Maroc a été partie prenante du mouvement du 20 février 2011 né dans le contexte des révoltes et soulèvements populaires qu’a connu la région arabe/Afrique du Nord et Moyen Orient (MENA) depuis la fin de 2010. Toutes les couches sociales populaires descendaient dans la rue pour réclamer justice sociale, dignité et liberté. C’était une dénonciation profonde du système d’accaparement et de concentration de richesses sous le « nouveau règne ». Le rythme soutenu de l’application des politiques néolibérales en concertation avec les Institutions financières internationales, a favorisé l’émergence de nouveaux milliardaires dans une économie de rente, au détriment de la majorité des couches populaires dont les conditions économiques et sociales ne cessent de se dégrader. Les groupes locaux d’ATTAC Maroc se joignaient corps et âme aux marches et sit-in populaires dans leurs régions (2011-2012).

Le Hirak (mouvement de contestation populaire) du Rif au Nord du Maroc déclenché en octobre 2016 par la mort violente d’un vendeur de poisson dans un camion benne se situe dans ce nouveau contexte de luttes sociales ouvert par le mouvement du 20 février 2011. Malgré la répression féroce, il a duré presque deux ans, environ 400 personnes ont été condamnées et les principaux leaders ont écopé des peines allant jusqu’à 20 ans de prison. ATTAC CADTM Maroc a participé à la grande marche de la ville d’Al-Hoceima le 23 juillet 2017 qui a été violemment réprimée et aussi aux autres marches nationales de solidarité avec le Hirak du Rif (le 08 juillet 2018 à Casablanca, le 15 juillet 2018 à Rabat, le 21 avril 2019 à Rabat). Elle a édité un livre en arabe intitulé « Hirak du Rif, une lutte populaire héroïque pour la liberté et la justice sociale » (2018). 1 200 exemplaires ont été très vite épuisés. Elle a également réalisé un film documentaire « Death Over Humiliation » (Mourir pour ne pas accepter l’humiliation)[2].

Le Hirak du Rif a initié d’autres mobilisations populaires, notamment le Hirak de Jerada (ville minière à l’Est du Maroc) qui a été déclenché en 2017-2018 par la mort accidentelle de deux hommes cherchant du charbon dans un puits désaffecté. 17 personnes ont été condamnées à des peines de deux à quatre ans de prison ferme.

Dans plusieurs villes et localités du pays, il y avait plusieurs protestations sociales. Ces luttes ont de nouveau remis en question le « modèle de développement » basée sur une logique capitaliste. La majorité vit dans la misère, le chômage et la précarité alors qu’une minorité liée à la sphère du pouvoir accumule les fortunes. Les libertés publiques sont constamment bafouées et les organisations de lutte harcelées. Ce sentiment de la Hogra (humiliation) est généralisé au sein de la jeunesse qui n’a plus confiance dans un système d’injustice sociale et despotisme politique.  La campagne de boycott citoyen de produits de consommation commercialisés par quelques familles milliardaires au Maroc[3] constitue une des nouvelles formes de contestation citoyenne. Cette campagne initiée à travers les réseaux sociaux a connu un large succès. ATTAC CADTM Maroc a soutenu cette initiative qui constitue une continuité des mouvements de contestation populaire et pourra ouvrir d’autres perspectives pour le mouvement social au Maroc[4].

ATTAC CADTM Maroc est depuis sa constitution organiquement liée aux luttes sociales au Maroc et a contribué largement à développer les outils d’éducation populaire contre la domination du Capital et les alternatives pour une justice sociale et environnementale.

Pour l’abolition de la dette publique illégitime

La question de la dette publique était toujours au cœur de l’action d’ATTAC Maroc. L’endettement extérieur a été l’une des causes principales de la colonisation du pays par l’impérialisme français depuis 1912. Combiné à l’extension du libre-échange, il a alimenté l’arriération structurelle de l’économie. En 1956, l’indépendance fut accompagnée d’un engagement de la monarchie à payer les dettes de la période coloniale. Elle bénéficiera du concours des Institutions financières internationales (IFI) à partir du début des années 1960 à travers une série de prêts alors qu’elle imposait un état de terreur qui a duré jusqu’à la fin des années 1990. A partir de 1978-1980, le Maroc ne pouvait plus rembourser le service de la dette, et pour bénéficier d’un rééchelonnement, il s’est engagé dans le programme d’ajustement structurel dicté par les IFI (1983-1993) qui va entamer une ère d’ouverture libérale et une plus grande intégration dans le marché international. La dette publique totale n’a pas diminué, mais va au contraire grimper de 56 % du PIB en 2008 (crise mondiale du capitalisme) à 87 % en 2019.

Au début des années 2000, l’action d’ATTAC Maroc en relation avec la dette publique se concentrait sur les campagnes contre les privatisations :

  • Des deux grandes sociétés de gestion des terres agricoles récupérées SODEA et SOGETA (2003-2006), des services de la poste (2007).
  • De l’eau potable des sources naturelles à Ben Smim (2007-2009).
  • Des services publics comme la santé, l’enseignement, le transport urbain, etc.

La loi des finances était également un sujet de travail et de contestation en collaboration avec l’Association nationale des diplômés chômeur/euses au Maroc ANDCM. La dette et les politiques d’austérité accentuent le déficit des caisses de l’État, réduisent les budgets des secteurs sociaux et gèlent les emplois dans la fonction publique. Elles augmentent le chômage et la précarité.

A partir de 2010, la dette est devenue une thématique principale dans la réflexion et l’intervention d’ATTAC CADTM Maroc. Une campagne a été lancée en octobre 2010 : « Soyons réalistes, exigeons l’impossible : arrêtons le remboursement de la dette ! ».  En avril 2013, elle a lancé son appel pour un audit de la dette publique marocaine[5], suivi, en mai 2013, d’un premier séminaire international sur la dette avec la participation d’universitaires marocains et d’experts internationaux, en particulier de membres du réseau CADTM international, ainsi que de plusieurs représentants d’organisations progressistes marocaines.

ATTAC CADTM Maroc bénéficiait de l’expertise du réseau CADTM International et s’inspirait de son long combat contre la dette. À travers sa responsabilité dans le secrétariat international[6] du CADTM qu’elle partage avec le CADTM Belgique, mise en place par l’Assemblée mondiale du CADTM qui s’est tenue à Bouznika en mai 2013, elle a pu tisser des liens avec les résistances à travers le monde et élaborer des analyses du système dette dans le capitalisme mondialisé et avancer des alternatives.

Le Vème congrès national d’ATTAC CADTM Maroc qui s’est tenu le 28 février, le 1 et 2 mars 2014 à Rabat, a défini des priorités stratégiques. Il s’agissait de la dette publique comme question centrale et des accords dits de libre-échange avec les grandes puissances occidentales. Ce sont les deux instruments de la domination impérialiste.

En avril 2014, ATTAC CADTM Maroc a organisé la 2ème édition du séminaire international sur la dette et les Institutions financières internationales (FMI et la Banque mondiale). Le séminaire comprenait deux parties, la première portait sur la dette et les institutions financières internationales et la seconde était intitulée « l’audit de la dette, une nécessite démocratique ».

La 3ème édition du séminaire international sur la dette et les alternatives a été tenue à Tunis en décembre 2015 pour appuyer le lancement de l’initiative de création d’une commission pour la vérité sur la dette en Tunisie. Elle est suivie de la 4ème édition en novembre 2016 qui portait notamment sur la proposition de loi sur l’audit de la dette déposée auprès du parlement tunisien. Le lien a été fait entre la question de la dette, les accords de libre-échange et les politiques libérales d’austérité.

ATTAC CADTM Maroc considère le système dette comme un mécanisme de domination et de pillage. Dans son appel pour un audit de la dette publique, elle a bien développé son alternative et sa méthodologie : « La dette nous prive de notre souveraineté politique, économique, sociale, alimentaire et environnementale. Elle est liée aux choix stratégiques du pays dictés par les Institutions financières internationales, entérinés par un parlement sans légitimité populaire, et appliqués par un gouvernement de façade. Nul développement économique, social ou humain est possible sans la sortie du cercle infernal de la dette. Pour toutes ces raisons, un audit de la dette publique marocaine s’impose… Il est de droit des citoyen·ne·s marocain·ne·s de demander des comptes. Cette revendication démocratique est basique pour créer une culture de la reddition des comptes publics et pour instaurer des instruments de contrôles des choix stratégiques du pays. Cette campagne sera l’occasion pour une mobilisation populaire qu’on voudrait large contre la dette et ses effets catastrophiques sur notre pays. Pour y arriver nous appelons à :

  • La création d’un comité pour l’audit de la dette publique composé d’organisations syndicales, de partis de gauche, d’organisations des droits humains, des diplômé·e·s chômeur/euses, des féministes et des jeunes, des universitaires, des experts économiques et juridiques, des parlementaires, etc. et toutes les composantes de la population marocaine refusant le diktat de la dette. Ce comité sera aussi composé d’experts internationaux qui ont déjà pris part à des expériences d’audits de par le monde.
  • Un moratoire sur le remboursement de la dette marocaine le temps que se termine l’audit et paraissent ses résultats.           
  • La répudiation des dettes jugées illégitimes ou odieuses par l’audit, spécialement celles empruntés durant les années de plomb ». 

ATTAC CADTM Maroc a coordonné avec les différentes organisations de lutte au Maroc pour concrétiser ces propositions d’alternative à la dette. Mais les avancées sont très faibles. Il faudra encore une longue patience d’éducation populaire.

La dette publique est un instrument pour mener une offensive très dure contre les droits économiques et sociaux des salarié·e·s et des couches pauvres de la population. Pour ATTAC CADTM Maroc, la lutte contre les politiques d’austérité (réduction des budgets sociaux, réduction des subventions pour les principaux produits de consommation de base, démantèlement des services publics. etc.) fait partie de la lutte contre le système dette[7]. En novembre 2017, elle a organisé un séminaire national sur l’endettement et l’éducation. Ce séminaire vient dans le contexte de l’offensive de l’État sur la gratuité de l’enseignement et généralisation des contrats à durée déterminée dans ce secteur. ATTAC CADTM Maroc a accompagné les luttes des enseignant·e·s contractuel·le·s (2016-2019) et a participé aux formes de solidarité contre leur répression. La 15ème session de son université de printemps organisée à Marrakech en avril 2019 était consacrée au bilan de l’offensive néolibérale sur l’enseignement et les luttes des coordinations des contractuel·le·s.

Pour l’annulation des dette privées illégitimes 

ATTAC CADTM Maroc a développé un travail de solidarité et d’accompagnement des luttes des victimes du microcrédit (2012-2017). En effet, les victimes du microcrédit, avec une majorité de femmes, plus particulièrement au sud-est du Maroc (plus de 4 500 femmes) sont descendues dans la rue en 2011-2012, pour réclamer leur refus de payer les taux d’intérêts exorbitants (30 à 40 % et parfois plus) et dénoncer les exactions des institutions de la microfinance. ATTAC CADTM Maroc a organisé, en mars 2012, une caravane nationale de solidarité et puis une caravane internationale en avril 2014 qui ont permis, en novembre 2016, d’acquitter Amina Morad et Nasser Ismaïni, respectivement président et vice-présidente de l’Association d’assistance populaire pour le développement social (association des victimes du microcrédit) qui ont été condamnés à 1 an de prison ferme et de lourdes amendes. Le microcrédit, comme partie des dettes privées illégitimes est devenu un axe de travail et de réflexion au sein d’ATTAC CADTM Maroc et le réseau mondial du CADTM. ATTAC CADTM Maroc a publié un livre en arabe (2016) et en français (2017) intitulé « le microcrédit au Maroc : quand les pauvres financent les riches. Étude de terrain et analyse du système du microcrédit [8]». Un grand nombre d’analyses sont publiées sur les sites d’ATTAC CADTM Maroc et le CADTM qui ont organisé plusieurs séminaires internationaux, régionaux et nationaux en Afrique et en Asie du Sud pour consolider la formation, partager les expériences de lutte et étudier les alternatives contre le microcrédit et les dettes illégitimes.

Dans son étude, ATTAC CADTM Maroc résumait son analyse ainsi : « le marché des microcrédits n’est pas un outil de lutte contre la pauvreté, et, au-delà des beaux discours, cela ne fait pas partie de ses objectifs. La logique de son fonctionnement, à savoir prêter de l’argent pour en retirer des bénéfices, conduit à un nouvel appauvrissement des pauvres, à travers le transfert d’une partie importante de leurs revenus vers le marché financier. Ainsi, ce sont les pauvres qui financent en grande partie le marché bancaire. La logique du profit, qui est le moteur du fonctionnement des institutions de la microfinance (IMF) est en contradiction avec la logique de lutte contre la pauvreté. L’insertion de millions de pauvres dans les marchés financiers, et en particulier les banques, s’accompagne de l’application d’un taux d’intérêt usuraire… Il nous semble donc nécessaire d’arrêter l’activité des IMF et d’ouvrir une enquête sur les formes de pillages et les exactions commises par ces institutions contre leurs clients. Nous soutenons toutes les luttes des victimes pour la défense de leurs droits, en particulier le mouvement des victimes du microcrédit à Ouarzazate qui demande l’annulation du paiement des microcrédits parce que la plupart sont illégitimes et illégaux ». Cette notion d’illégalité liée aux vices contractuels est par ailleurs explicitée dans l’étude.

Comme pour l’audit citoyen de la dette publique, une mobilisation citoyenne et sociale est nécessaire pour enquêter sur les différentes formes de pillage et abus commis par les institutions de microcrédit, de crédit à la consommation et les banques contre leurs victimes, et à scruter les fondements illégitimes et illégales qui nécessitent l’annulation des dettes privées des ménages pauvres.

Contre les accords de libre-échange, accords coloniaux contre les peuples

La lutte contre les accords dits de libre-échange constituait également l’une des priorités stratégiques d’ATTAC CADTM Maroc. Notre association dénonçait la pression des grandes puissances impérialistes comme l’Union européenne mais aussi les USA qui ont conclu eux aussi un accord de libre-échange avec le Maroc entré en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2006, ainsi que le danger de cette ouverture généralisée sur notre souveraineté populaire et alimentaire.

Le Maroc a signé une panoplie d’accords de libre-échange (ALE) avec divers pays du Nord et du Sud. Cette ouverture de l’économie marocaine à la concurrence internationale est présentée officiellement comme une « chance pour le Maroc d’intégrer la mondialisation et permettre aux entreprises marocaines d’accéder aux marchés à l’international ». Avec cette ambition, l’État marocain devient le « champion » régional du libre-échange. Les résultats négatifs sont bien évidents : déséquilibres extérieurs du pays, érosion du tissu industriel marocain, augmentation du chômage, dépendance alimentaire, etc…

C’est pourquoi, la question des accords de libre échange est centrale pour l’avenir du Maroc et les conditions de vie des marocains et ATTAC CADTM Maroc accorde beaucoup d’importance à lever le silence qui entoure cette question, à présenter des éléments de réflexion et d’alternatives sur ce sujet, et à avancer des initiatives de sensibilisation et d’actions communes.

ATTAC CADTM Maroc a publié un ouvrage, en arabe (2015) et en français (2016), intitulé « les accords de libre-échange et le Maroc : des accords coloniaux contre les peuples[9] » et réalisé une conférence nationale sur l’impact des accords de libre-échange : « STOP ALECA » (Octobre 2015). L’ALECA (accord de libre-échange complet et approfondi) est cette nouvelle génération des ALE que l’Union européenne négocie avec le Maroc (et d’autres « partenaires » du Sud comme la Tunisie, ou encore, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine au « Sud » de l’Europe) à partir de 2010-2011 pour harmoniser le cadre législatif et réglementaire marocain avec celui de l’UE, protéger davantage les investissements et  la propriété intellectuelle, élargir la concurrence sur les marchés publics et d’approfondir la privatisation déjà bien avancée des services publics.

ATTAC CADTM Maroc a organisé un séminaire international sur les ALE à Casablanca le 1er octobre 2016 qui s’est conclu par un appel qui a résumé nos fondements de l’analyse sur cette question : « les accords de libre-échange (ALE), qu’ils soient bilatéraux ou multilatéraux sont tous conçus pour assurer les profits des grandes entreprises. Celles-ci accaparent les ressources, les services publics, les terres agricoles des paysan·ne·s et détruisent l’environnement. Elles détruisent les emplois, réduisent les salaires par la mise à concurrence des salarié·e·s et augmentent le chômage. Elles augmentent leur mainmise surtout sur les pays du Sud en accentuant leur dépendance structurelle alimentaire, financière et technologique. Elles inondent les marchés de ces derniers par des produits subventionnés du Nord qui détruisent leur tissu productif déjà fragilisé et dont la qualité suscite bien des méfiances. Elles sont fortifiées par les mécanismes de résolution de différents entre investisseurs et États qui leur confèrent plus de pouvoir exorbitant sur les États et sur les peuples. Ces derniers sont exsangues du fait du paiement du service de la dette et des politiques de destructions massives des droits sociaux qui en découlent. Le fardeau supporté par les femmes est particulièrement oppressif et inhumain[10] ».

Les 15, 16 et 17 décembre 2017, ATTAC CADTM Maroc a organisé un séminaire maghrébin sur les accords de libre change, l’agriculture et la souveraineté alimentaire sous le slogan : Non aux accords coloniaux, pour la défense du droit souverain des peuples sur leurs systèmes agricoles, alimentaires et environnementaux. Le séminaire s’est tenu à Agadir, au Maroc, avec la participation de militant·e·s d’Egypte, de Tunisie, d’Algérie et du Maroc[11].

Ces initiatives font partie d’un intense travail d’éducation populaire d’ATTAC CADTM Maroc pour dénoncer les ALE, proposer des perspectives de lutte et fortifier les liens de solidarité entre les peuples du Nord et du Sud. Au niveau du Maroc, ATTAC CADTM Maroc contribuait aux collectifs contre ces accords. Ces collectifs sont aujourd’hui en stand-by ou n’existent plus.

Face à la crise écologique et climatique, construire les résistances et penser les alternatives

La crise écologique n’est qu’une facette (la plus catastrophique) de la crise du capitalisme et de civilisation dans laquelle se trouve le monde aujourd’hui.

Au niveau du Maroc la situation environnementale est intimement liée à la domination du capitalisme mondial mais aussi aux choix politiques et économiques du régime. Les effets déjà bien réels et factuels des changements climatiques qui viennent exacerber des problématiques déjà existantes dont souffrent les plus démunis telles que pauvreté, exclusion, sous-alimentation, chômage, discrimination à l’encontre des femmes, etc. Ces victimes sont souvent loin d’être responsables de ces changements, d’où notre revendication de justice climatique.

Notre pays ainsi que ceux de la région MENA, est le symbole même de cette injustice puisqu’au moment où cette région du monde est parmi les moins polluante, elle est et elle sera parmi les régions les plus touchées spécialement par des phénomènes extrêmes de sécheresses/inondations qui affecteront tout particulièrement l’agriculture.

La vision d’ATTAC CADTM Maroc face à la crise écologique et climatique est résumée dans notre plateforme programmatique adoptée par notre IVème congrès national tenu fin janvier 2012. Elle a été actualisée au Vème congrès tenu début mars 2014 et a été intitulée : « la situation environnementale et les projets verts au Maroc : protéger les profits sous prétexte de protéger l’environnement, quelles sont nos alternatives ? ».

En décembre 2015, ATTAC CADTM Maroc a élaboré un rapport sur la situation de la justice climatique au Maroc[12]. C’était dans le contexte de la tenue de la 21ème conférence de Nations unies sur le climat (COP21) à Paris (30 novembre – 12 décembre 2015) où les militant·e·s altermondialistes et écologistes organisaient des activités pour dénoncer l’absence de moyens financiers et de volonté politique des grands décideurs du monde pour stopper le réchauffement climatique. La publication de ce rapport constitue aussi un début de préparation d’activités pour contre-sommet de la COP 22 à Marrakech qui sera tenu du 7 au 18 novembre 2016.

Nous luttons pour démasquer le vrai visage du capitalisme vert et l’hypocrisie des gouvernants et grands capitalistes qui cherchent avant tout et comme toujours la maximalisation de leurs profits. Nous avons introduit la notion d’extractivisme pour bien comprendre cette course violente des capitalistes pour s’accaparer les ressources minières, fossiles et agricoles. Nous réclamons la dette écologique contractée par les pays industrialisés envers les pays pauvres à cause des spoliations passées (colonialisme) et présentes (néocolonialisme) de leurs ressources naturelles. C’est à travers l’analyse du système-dette, de l’extractivisme et de leur interdépendance que nous pensons la transition vers un monde de justice sociale et écologique qui nécessite une rupture totale avec le mode de production, distribution et consommation dominant.

Sur le plan national, nous contribuons à ouvrir un débat sur l’avenir énergétique et alimentaire de notre pays et revendiquons une gestion publique sous contrôle populaire. Une gestion à caractère éco-sociale qui favorise les solutions les plus écologiques et qui permettent en même temps l’accès de la majorité des marocain·ne·s à ces ressources.

En plus de travail d’analyse et de sensibilisation nous soutenions les luttes contre l’extractivisme et la destruction de l’environnement par les capitalistes.

ATTAC CADTM Maroc a participé à toutes les formes de solidarité avec les luttes à dimension écologique et contre l’extractivisme des habitants de :

  • Ben Smim, village à l’ouest de la ville d’Ifrane, (2008-2010) contre la privatisation de leur source d’eau naturelle. Ils ont été à chaque fois réprimés et 12 parmi eux ont été poursuivis devant les tribunaux.
  • Imider située au sud-est du Maroc, contre la Société minière d’Imiter qui exploitait leur mine d’argent, la plus grande d’Afrique, qui pillait les richesses de la tribu, détruisait les ressources en eau, et empoisonnait l’air, la terre et la nappe phréatique avec le mercure et la cyanure. Depuis juillet 2011 et jusqu’à 2019, les villageois.es occupaient héroïquement le mont Alban pour maintenir fermée une vanne d’eau qui alimentait la mine. En 2014, le mouvement a été violemment réprimé et il y a eu beaucoup de prisonniers dont les derniers ont été libérés fin 2017-début 2018[13].
  • Beni Oukil, près d’Oujda, (2014-2017) contre un projet d’extractivisme (carrière de gravier) qui détruit l’environnement, les activités agricoles, une partie de la mémoire historique (montagne Jbel Dchira ) des villageois··s, ainsi que leurs conditions de vie, de santé et de sécurité. Ils ont été eux aussi réprimés et les militant·e·s actif/ives sont poursuivi·e·s devant les tribunaux.
  • Safi contre le projet de construction d’une centrale thermique (2014-2017) alors que la ville connait déjà une grave pollution industrielle provenant du grand complexe de phosphate responsable de la dégradation de l’environnement, des ressources halieutiques et de la santé de la population. Les impacts dangereux de cette unité de production de l’énergie électrique à partir du charbon en utilisant l’eau de mer sont très variés sur l’écosystème de la région. Elle a été mise en service en début de décembre 2018.
  • La tribu des Oulad Sbita à Sidi Bouknadel dans la région de Rabat-Salé-Kénitra, contre l’accaparement de plus de 800 hectares de leurs terres par Addoha, une société de spéculation immobilière. Les femmes soulaliyates (plus de 400 familles) se battaient pour la préservation de leurs terres collectives et de leur agriculture familiale (2014-2017).
  • La communauté soulalyate de Sidi Ayad (région de Midelt) contre l’accaparement de leurs terres collectives et leurs ressources naturelles après que l’État a mis en place un projet d’implantation d’une centrale solaire appelée « Noor 4 » sur une superficie estimée à plus de 4 500 hectares. Les petit·e·s paysan·ne·s et des familles dépossédé··s de leurs terres, leur eau et leurs pâturages ont organisé plusieurs protestations (2017-2019) qui ont été réprimées. Oba Mimoun Said, un militant symbole de ces luttes, a été arrêté deux fois de suite : en avril 2018 où il a été condamné à 4 mois de prison ferme et en avril 2019 où il a été condamné à 10 mois de prison ferme.

ATTAC CADTM Maroc a organisé, en novembre 2016, une conférence internationale sur la « justice climatique » en marge de la COP 22 à Marrakech pour donner de la visibilité à ces luttes écologiques, élargir la solidarité et échanger sur les alternatives porteuses de solutions que les conférences officielles ignorent délibérément.  Cette conférence a également permis de jeter les bases d’une collaboration plus étroite avec les militants venus des autres pays du Maghreb et du continent africain afin de jeter les bases d’un mouvement climatique coordonné à l’échelle de la région et du continent.

Il est à noter que cette conférence constituait une démarcation entre un courant libéral de la société civile marocaine coopté par le régime. ATTAC CADTM Maroc s’est retirée de « la coalition marocaine pour la justice climatique » en dénonçant ce courant qui la dominait et qui essayait de limiter cet éveil écologique dans les limites du capitalisme vert, des initiatives sur le climat proposées par les institutions gouvernementales et le secteur privé, et l’éloigner du vrai débat sur la justice climatique lié à celui sur les choix politiques, économiques et sociaux qui perpétuent la destruction de l’environnement. Elle est alors engagée avec plusieurs associations et organisations de droits humains et des syndicats dans le Réseau démocratique pour accompagner Cop22 (REDACOP22). Ce réseau vise à construire un mouvement écologique démocratique au Maroc et indépendant du pouvoir politique et économique dans notre pays et des bailleurs de fond internationaux en se basant sur les mobilisations des vraies victimes des dommages environnementaux[14]. Malheureusement, ce réseau a cessé d’exister juste après cette mobilisation liée à la COP22. La conscience écologique et climatique dans notre pays est encore balbutiante et nécessite un long effort d’éducation et de construction.

Pour la souveraineté alimentaire au Maroc

La souveraineté signifie le droit des peuples de définir leurs propres politiques agricole et alimentaire sans intervention d’institutions extérieures ni inondation du marché local de produits externes avec des prix bas. La souveraineté implique également la participation des peuples à la détermination de la politique agricole de leurs pays et à la mise en œuvre des réformes agraires. La souveraineté alimentaire repose sur la priorité donnée à la production agricole locale et à l’alimentation de base des populations, et la garantie du libre accès aux semences et le droit de protéger leurs produits nationaux. La souveraineté alimentaire est le contraire du système industriel de production alimentaire responsable de la destruction des ressources naturelles et du climat qui menacent les paysans-es et la vie de millions de personnes.

ATTAC CADTM Maroc s’est engagée (2018-2019) dans un projet d’étude sur la souveraineté alimentaire au Maroc afin d’amorcer une réflexion sur une alternative au modèle productiviste et agro-exportateur. Cette étude vise à faire un diagnostic des politiques néolibérales dans le secteur agricole dans notre pays et à faire ressortir les multiples effets de ce modèle sur la paysannerie, les ouvrier/ères agricoles, les cultures de subsistance, la qualité alimentaire, et l’environnement. Elle s’est basée sur des enquêtes de terrain dans les principales zones agricoles du pays. Les résultats ont été présentés et enrichis lors des rencontres régionales avec les différents intervenants dans le secteur agricole[15].

ATTAC CADTM Maroc a été l’un des principaux initiateurs du Réseau nord-africain pour la souveraineté alimentaire[16] qui a été constitué en juillet 2017 à Tunis. Ce réseau a initié des coordinations nationales en Tunisie, au Maroc et en Égypte afin d’élargir la réflexion dans la région MENA, partager les expériences de luttes (paysan·ne·s, ouvrier/ères agricoles, marins pêcheurs, etc.), et élaborer des alternatives concrètes.

L’engagement féministe

L’approfondissement d’une approche féministe de la mondialisation capitaliste et patriarcale représente l’axe principal de l’engagement féministe d’ATTAC CADTM Maroc. Cette vision est née de la situation subalterne des femmes dans une société, où elles sont les plus exposées à toutes les formes de discrimination, qui se reproduisent à tous les niveaux. Cette oppression se renforce par les politiques néolibérales qui affaiblissent d’avantage l’accès des femmes aux droits à l’éducation, la santé, le travail, la retraite, la terre, le logement, l’alimentation, l’héritage, et l’avortement.

Un comité femme a été constitué en 2013 au sein d’ATTAC CADTM Maroc pour contribuer à approfondir les analyses et développer l’engagement féministe de l’association dont les principes sont contenues dans la charte politique du CADTM International[17] (garantir l’autodétermination des femmes comme elles le revendiquent au travers de leurs luttes qui s’inscrivent dans une démarche d’émancipation du système patriarcal, capitaliste, impérialiste et extractiviste ; assurer en pratique la fin des inégalités entre les hommes et les femmes dans toutes les sphères de la vie, qui sera atteinte, entre autres, à travers la discrimination positive et l’éducation populaire féministe) et sa charte de fonctionnement (le respect du principe de « parité »[18]).

Ce comité a rédigé une résolution sur les femmes qui a été adoptée par le IVème congrès national tenu en début de mars 2014. Cette résolution analyse les conditions des femmes dans la phase néolibérale du capitalisme mondialisé en crise et les différentes formes d’oppression inhérentes au patriarcat. Elle expose les motifs des actions nécessaires envers les femmes tant au niveau interne de l’association qu’au niveau de luttes et solidarité à l’échelle nationale, régionale (MENA) et internationale.

Le comité femme a édité en 2018 un livre intitulé : « Les femmes au Maroc à l’ère de la mondialisation ». Sa version française est prête pour être imprimée avant la fin de 2020.

Le comité femmes d’ATTAC CADTM Maroc a joué un très grand rôle dans la solidarité avec la lutte des femmes victimes du microcrédit (2012-2017), et dans le travail de sensibilisation sur la question du microcrédit comme instrument d’appauvrissement des pauvres, particulièrement les femmes, au profit des capitalistes financiers à travers la présentation du livre sur le microcrédit dans plusieurs villes du Maroc.

L’engagement féministe d’ATTAC CADTM Maroc se concrétise plus globalement par un effort permanent à donner plus de visibilité au rôle des femmes dans :

  • Les luttes et mobilisations populaires au Maroc dérivant des politiques néolibérales d’austérité, de privatisation, d’abandon des services publics, d’extractivisme et d’accaparement des terres, et appuyer leur participation active et le travail conjoint avec les organisations présentes dans ces luttes afin d’élargir le combat des femmes et d’en renforcer la portée.
  • Les différentes activités et actions de l’association : ateliers, séminaires de formation, ateliers thématiques de l’université de printemps et du camp des jeunes, etc.
  • Les instances d’ATTAC CADTM Maroc et au niveau des différentes responsabilités. La participation des femmes au sein de l’association s’est accrue, elle est beaucoup plus active et les femmes ont réussi à prendre confiance en elles-mêmes.  Malgré cela, il reste encore beaucoup d’efforts à fournir pour arriver à une parité réelle et casser l’influence du système patriarcal environnant.

Les militantes d’ATTAC CADTM Maroc font partie de la coordination des luttes féministes du réseau CADTM. Elles ont participé aux activités et aux séminaires internationaux « femmes, dette et microcrédit » tenus en Afrique (au Bénin en 2011, au Maroc en 2014 et au Mali en 2017). Avec leurs camarades du CADTM, elles ont acquis une expertise militante sur :

  • L’impact de la dette et du microcrédit sur les femmes et tout particulièrement en Afrique et Asie.
  • Les mécanismes par lesquels le système de la dette affecte les femmes.
  • Les spécificités de l’endettement féminin.
  • Les luttes que mènent les femmes en Afrique et en Asie et les alternatives que certaines d’entre elles sont en train de construire.

L’acquisition de cette expertise ne peut avoir de sens que si elle est mise au service des populations, dans une dynamique d’éducation populaire tournée vers l’action.

L’insertion dans la dynamique mondiale des mouvements sociaux et du CADTM International

ATTAC Maroc a été engagé dans le processus du Forum social marocain en contribuant à sa première édition qui s’est tenue à Bouznika en décembre 2002, et à la deuxième à Rabat en juillet 2004. Les militant·e·s d’ATTAC Maroc ont défendu l’esprit de combativité, la démocratie et le consensus qui sont définis dans la charte du Forum social mondial. Malheureusement, le Forum social marocain a finalement été récupéré par un courant libéral de la société civile marocaine qui tente de canaliser les luttes sociales dans une logique de soumission et de médiation avec le pouvoir. Ce courant a su trouver des partenaires de même nature dans les pays maghrébin à travers le Forum social maghrébin. Il a aussi une présence au Conseil international du Forum social mondial et a participé à vider le FSM de son contenu militant.

Les responsabilités d’ATTAC CADTM Maroc au sein du secrétariat international du CADTM qu’elle partage avec le CADTM Belgique depuis 2014, permettent une consolidation de l’engagement de l’association au sein du réseau mondial du CADTM et ouvre de grandes possibilités de développement et d’élargissement de ses actions à l’échelle internationale, régionale (MENA) et nationale. En plus des prises de positions politiques, les déclarations et les communiqués de presse engageant le CADTM International, ATTAC CADTM Maroc contribue avec le CADTM Belgique aux sessions de formation internationale aux problématiques de la dette, des institutions internationales, des alternatives à la crise du capitalisme patriarcal et productiviste. Elle a plus particulièrement les tâches de renforcement des :

  • Activités du CADTM en Afrique et particulièrement le développement de celles-ci en Afrique du Nord et au Moyen Orient à travers le site en arabe[19] et les traductions vers l’arabe d’ouvrages et d’analyses du CADTM.
  • Relations avec le processus du Forum social mondial.
  • Synergies avec les mouvements et réseaux mondiaux militants : La Via Campesina, la Marche mondiale des femmes, Global Attac, Campagne internationale contre l’impunité des multinationales, Campagne boycott désinvestissement sanctions (BDS) de solidarité avec le peuple palestinien, etc.

Cette insertion dans la dynamique mondiale des mouvements sociaux et du CADTM International a joué aussi un rôle très important dans les campagnes de solidarité internationale avec les luttes sociales et contre la répression au Maroc.

La question migratoire 

ATTAC CADTM Maroc intégrait la question migratoire dans ses actions et collaborait avec plusieurs organisations qui travaillent sur cette thématique [Groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et des migrants (Gadem), Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH), etc.], mais aussi avec des structures de migrant·e·s en grande majorité originaires d’Afrique subsaharienne (Conseil des migrants subsahariens au Maroc…). Ces dernier/ères, depuis les années 2000 et notamment en 2005-2006, ont été victimes de campagnes de violence policière marocaines appuyées par la politique d’externalisation de l’Union européenne dans les forêts proches de Ceuta et Melilla et d’autres villes du Maroc qui ont fait des dizaines de morts, des agressions physiques et sexuelles sur les enfants et les femmes, des centaines d’arrestations, des refoulements dans des zones désertiques, etc.

ATTAC CADTM Maroc a participé à plusieurs formes de solidarité et activités :

  • Une marche mondiale contre le chômage et pour la défense des migrant·e·s en 2002 à Tanger.
  • Une rencontre internationale sur la question migratoire tenue à Tétouan en novembre 2005.
  • Une rencontre à Chefchaouen sur la migration et droit de l’homme en avril 2006.

En mai 2010, les groupes Attac du Nord du Maroc ont organisé une journée d’étude sur la question migratoire qui a associé les expériences du terrain et la réflexion pour avancer dans la formulation de propositions et perspectives[20].

La question migratoire est aussi intégrée dans les activités et formations internes de l’association.

« Il ne fait aucun doute que ni les murs ni les armes ne sont capables de résoudre ce que les médias appellent la crise migratoire, car elle fait partie des conséquences des politiques néolibérales imposées depuis des décennies aux peuples du monde… Les solutions radicales pour les peuples du Sud consistent à mettre fin :

  • Au pillage des ressources et aux affrontements armés.
  • Au système dette qui fonctionne aujourd’hui comme un mécanisme de pompage des richesses en faveur des banques.
  • Aux accords de libre-échange qui violent la souveraineté des peuples et accélèrent l’accaparement des ressources au profit des multinationales.

En attendant, il est urgent de respecter les droits et accords relatifs à l’immigration et à l’asile, et de mettre en place un mécanisme d’accueil et d’intégration permettant la création de liens à dimension humaine et dans le respect de la dignité [21]».

Contre le despotisme et pour la souveraineté populaire

Les priorités stratégiques d’ATTAC CADTM Maroc (dette publique, dettes privées, les accords dits de libre-échange, la justice climatique, la souveraineté alimentaire, l’engagement féministe, et l’insertion dans la dynamique mondiale des mouvements sociaux et du CADTM International) sont liées à une analyse globale des spécificités du capitalisme arriéré dans notre pays, de sa dépendance de l’impérialisme et de la nature despotique du pouvoir politique. Elles sont articulées dans le travail d’éducation populaire d’ATTAC CADTM Maroc, ses actions sur le terrain en synergie avec les luttes et les mobilisations sociales et dans ses alternatives. D’où notre revendication de la souveraineté populaire dans le cadre d’un processus global de rupture avec le système dette, l’échange inégal, la dépendance et les institutions du Capital. Nous soutenons et coordonnons avec toutes les organisations, coalitions et mouvements qui agissent pour la satisfaction des droits humains, la justice sociale et environnementale, le féminisme, la liberté, la dignité et l’internationalisme.

La monarchie a essayé de contenir les revendications de réformes politiques et sociales du grand mouvement de contestation populaire déclenché le 20 février 2011 par une « nouvelle » constitution octroyée. ATTAC CADTM Maroc a refusé de participer aux consultations organisées par le régime sur cette constitution (avril 2011) et elle a appelé, avec d’autres organisations sociales et politiques, à son boycott (juin 2011). C’est une constitution qui consacre le despotisme avec ses mécanismes de pillage et de corruption. Elle s’attache aux principes néolibéraux des IFI qui accentuent la dépendance du pays et son endettement et généralisent l’austérité, les privatisations et la précarisation. Les voix opposantes sont étouffées et les libertés publiques (droit d’expression et d’organisation) sont bafouées. Une constitution démocratique ne se sera pas une manne des gouvernants. Elle sera le fruit d’un long combat social et politique et un processus citoyen constituant de ceux et celles d’en bas.

Le Maroc a accueilli du 27 au 30 novembre 2014 le Forum mondial des droits de l’homme à Marrakech. ATTAC CADTM Maroc, avec d’autres organisations sociales et politiques, ont boycotté ce forum qui se tenait dans un contexte de répression systématique. A travers ce forum, le pouvoir voulait redorer son blason et exposer un simulacre d’état de droit.

Lors des élections régionales et communales de septembre 2015, ATTAC CADTM Maroc a adhéré à un collectif d’associations de société civile qui a présenté un programme intitulé : «100 mesures pour des collectivités territoriales équitables socialement ». Ce n’était pas une initiative pour participer aux élections, mais pour ouvrir un débat sur un vrai programme électoral qui devrait émaner du peuple et avancer des revendications concernant la gestion démocratique, la justice sociale, l’économie solidaire, la défense l’environnement, etc. Malheureusement elle n’a pas eu aucun écho. Ces élections n’étaient en fait qu’une mascarade. Elles servaient à légitimer une démocratie de façade.

ATTAC CADTM Maroc a toujours été harcelée par le pouvoir, beaucoup de ses activités ont été interdites et plusieurs de ses militant·e·s ont été poursuivi·e·s et emprisonné·e·s dont plus récemment Omar Radi, journaliste d’investigation, incarcéré depuis le 29 juillet 2020 en attente de son procès.

Depuis 2002, le ministère de l’intérieur refuse toujours de renouveler le récépissé légal de l’association. Ce qui nous prive du droit d’accès aux salles publiques, d’ouvrir un compte bancaire, etc. Nos dossiers de plainte contre cette décision ont été déposés après chaque congrès national durant 6 ans (2012-2018) sans que le tribunal administratif ne nous ait rendu justice.

ATTAC CADTM Maroc continue sa lutte. Des centaines de militant·e·s ont contribué à son combat au niveau local, national, régional et international. Le bilan de ces 20 ans devrait inspirer les jeunes générations qui s’engagent dans les résistances pour autre Maroc possible, de justice sociale et environnementale, de dignité et de liberté.

Fonctionnement démocratique horizontal

S’inspirant des débats dans le mouvement altermondialiste et de ses expériences, les premiers groupes d’ATTAC CADTM Maroc ont refusé la structure hiérarchique verticale des organisations traditionnelles. Ils ont adopté un fonctionnement démocratique horizontal. Les orientations et les choix stratégiques de l’association émanent des groupes locaux à travers le conseil de coordination national qui est la plus haute instance décisionnelle après le congrès national. Le conseil national est constitué des représentant·e·s élu·e·s par les groupes locaux. Seul le secrétariat national comme instance exécutive est élu par le congrès.

Les groupes d’ATTAC CADTM Maroc rencontrent beaucoup d’obstacles pour s’enraciner au niveau local. Le rayonnement d’ATTAC CADTM Maroc ne se traduit pas par un élargissement de ses adhérent·e·s. Les forces de l’association sont encore modestes, mais ses actions concrètes au sein des couches populaires victimes du néolibéralisme et du despotisme sur des thématiques essentielles décrites en haut constituent un potentiel prometteur.

01 décembre 2020

Aziki Omar

Membre du :

  • Secrétariat national d’ATTAC CADTM Maroc.
  • Secrétariat international partagé du CADTM International.

Un grand merci pour Fatima Zahra El Belghiti, Larbi Hafidi, Youness El Haboussi, Jawad Moustakbal et Claude Quémar pour leur relecture.


[1] – Cette assemblée constitutive prévue initialement à l’École nationale des industries et des mines (ENIM) sera organisée au local de l’Espace associatif après interdiction des autorités qui ont encerclé l’ENIM et empêché les militant·e·s d’y accéder.

[2] – ATTAC CADTM Maroc : « Death Over Humiliation » (Mourir pour ne pas accepter l’humiliation) sur Hirak (mouvement de contestation sociale) du Rif.

[3] – Il s’agissait du lait de la Société Centrale Laitière affiliée à la multinationale française Danone spécialisée dans les laitages, de l’eau minérale Sidi Ali de la société des eaux gazeuses Oulmès appartenant au groupe Holmarcom de la famille Bensaleh et les carburants des stations Afriquia appartenant au groupe Akwa de la famille Akhannouch.

[4] – ATTAC CADTM Maroc : « Mémorandum : ATTAC CADTM Maroc soutient le boycott citoyen de produits de consommation commercialisés par des grands groupes capitalistes », 21 juin 2018. https://attacmaroc.org/fr/2018/06/21/memorandum-attac-maroc-soutient-le-boycott-citoyen-de-produits-de-consommation-commercialises-par-des-grands-groupes-capitalistes/

[5] – Appel pour un audit de la dette publique marocaine : Pas de développement sans annulation de la dette, 7 avril 2013.

http://www.cadtm.org/spip.php?page=imprimer&id_article=9113

[6] – Motion sur la création d’un Secrétariat international partagé au sein du réseau mondial du CADTM :

https://www.cadtm.org/Motions-Amendements,9153

[7] – ATTAC CADTM Maroc : « auditer la dette pour l’annuler. L’association ATTAC CADTM Maroc réitère sa revendication pour l’abolition des dettes publiques comme l’une des conditions nécessaires pour un véritable développement économique, social et humain », 21 septembre 2018.

https://www.cadtm.org/Maroc-Auditer-la-dette-pour-l-annuler

[8] – Vous pouvez télécharger la version française de l’étude en PDF sur le lien : https://attacmaroc.org/fr/wp-content/uploads/2018/01/ATTAC-Maroc.Etude-microcr%C3%A9dit.-PDF.pdf

[9] – L’avant-propos du livre français est publié sur le lien :

[10] – Déclaration finale de la conférence : Accords de libre-échange, accords coloniaux contre les peuples, 7 octobre 2016.

https://www.cadtm.org/Declaration-finale-de-la

[11] – Déclaration finale du séminaire maghrébin « Accords de ‘libre-échange’ et souveraineté alimentaire, 23 décembre 2017.

[12]http://cadtm.org/IMG/pdf/Attac_Rapport_Justice_climatique_FR.pdf

[13] – Omar Moujane , Luiza Toscane : « Maroc, l’histoire d’une lutte : « Le mouvement contre la mine d’Imider dure depuis plus de 40 ans », 24 janvier 2019.

https://www.cadtm.org/Maroc-l-histoire-d-une-lutte-Le-mouvement-contre-la-mine-d-Imider-dure-depuis

[14]ATTAC CADTM Maroc sur la COP 22 à Marrakech : « Quelle stratégie pour les mouvements sociaux face au changement climatique ? », 15 septembre 2016.

[15] – Introduction de l’étude, 9 novembre2019. S

[16] – voir son site : https://www.siyada.org/

[17] – Voir la version de la charte politique amendée provisoirement par le Conseil national du CADTM tenu à Liège en septembre 2019 :

https://www.cadtm.org/Charte-politique-du-CADTM-International-18147

[18] – Voir charte de fonctionnement amendée par l’assemblée mondiale du réseau CADTM tenu en mai 2016 à Tunis : https://www.cadtm.org/Charte-de-fonctionnement

[19] – Voir le site du CADTM en arabe : http://arabic.cadtm.org/

[20] – Cahier d’Attac Maroc : migration et mondialisation, 8 février 2011.

http://www.cadtm.org/IMG/pdf/brochure_table_ronde_avec_photos.pdf

[21] – Lucile Daumas, ex-militante d’ATTAC CADTM Maroc qui a beaucoup travaillé sur cette question en solidarité et en réflexion.

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