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Omar Aziki : « le coronavirus a dévoilé les dégâts des politiques néolibérales »

En pleine crise du coronavirus, les autorités ont créé un fonds spécial dédié à la gestion de la pandémie, d’environ 10 milliards de dirhams, financé par le gouvernement et par des contributions volontaires d’entités publiques et privées qui seront déductibles d’impôt qui aujourd’hui avoisine les 30 milliards de dirhams.

Sur le plan fiscal, Bank Al-Maghrib a décidé d’abaisser le taux directeur de 25 points de base à 2,0% le 19 mars. Pour soutenir les entreprises, les paiements des prêts sont suspendus pour les petites et moyennes entreprises et les travailleurs indépendants jusqu’au 30 juin, et une nouvelle ligne de crédit bancaire est créée pour financer les dépenses opérationnelles des entreprises, garanties par le Fonds central de garantie. Pour réduire la volatilité, l’Autorité des marchés financiers a décidé de réviser à la baisse les seuils de variation maximum applicables aux instruments financiers cotés à la Bourse de Casablanca.

Autant de mesure que le gouvernement a décidé de prendre en charge pour alléger la crise économique dûe coronavirus. Pour le financement, le Maroc serait obligé de concourir à l’emprunt international afin d’éviter de grever davantage les équilibres financier du royaume. A ce titre, la directrice générale Kristalina Georgieva a annoncé le 4 mars 2020 que le FMI est prêt à soutenir les pays vulnérables par le biais de financements d’urgence à décaissement rapide, qui pourraient s’élever à 50 milliards de dollars pour les marchés émergents et à faible revenu.

Face à cette situation, le Maroc connaîtra de « grandes difficultés dans les mois prochains », a déclaré Omar Aziki, chercheur sur les questions agricoles et du commerce. La raison, il estime que « le royaume est en train de payer les conséquences de l’extraversion de notre économie qui accentue notre dépendance financière et notre endettement. »

Pour Omar Aziki, membre du secrétariat national d’Attac Maroc et du secrétariat internationale du réseau CADTM, « la crise du coronavirus à mis en lumière les dégâts des politiques néolibérales suivis par la Maroc. On a privatisé les services publics », estime-t-il. Entretien.

 

Panorapost : Dans ce contexte de crise, le Maroc devrait-il souscrire à une levée de fonds à l’international ?

Omar Aziki photo ci-contre). Il est clair que l’économie et les finances du Maroc connaîtront de grandes difficultés dans les mois prochains. La chute des recettes du tourisme, des transferts des MRE et des investissements directs étrangers vont creuser le déficit du compte des transactions courantes déjà déficitaire. La facture alimentaire augmentera fortement.

La position extérieure globale du pays est aussi débitrice. La devise marocaine s’est dépréciée par rapport à l’euro et au dollar. Une pénurie de devises est donc à l’horizon. Le Maroc sera obligé d’alimenter ses réserves de change par un recourt à autre sortie souveraine sur le marché international. Mais ce dernier est affecté également par la crise sanitaire globale.  L’utilisation de la ligne de précaution et de liquidité du FMI est très envisageable. Le ministre de l’économie et des finances vient d’ailleurs d’annoncer un projet de déplafonnement du montant des emprunts extérieurs, fixés à 31 milliards de DH par la loi de finances 2020. Ce qui présage la possibilité de contracter de nouveaux emprunts.

On est en train de payer les conséquences de l’extraversion de notre économie qui accentue notre dépendance financière et notre endettement. Et ce sont les couches populaires et les salarié-e-s qui supportent le gros de la facture par les politiques d’austérités dictées par les institutions financières internationales.

Le Maroc a-t-il atteint un seuil critique d’endettement ?

Les autorités financières insistent la dette du trésor qui se situe autour de 65% du PIB pour dire qu’elle est encore loin du ratio de 70% fixé par le FMI pour les pays émergents. Mais en incluant la dette publique garantie par l’État, le poids réel de la dette grimpera à 84%. On devrait alors lier la soutenabilité de la dette à son remboursement qui pèse finalement sur les 35 millions de Marocains. Cette crise de virus a bien mis en évidence la situation critique de la dette publique.

Le budget moyen alloué à la santé pour les six dernières années était de 14 milliards de dirhams par an, contre 27 milliards de dirhams par an pour les intérêt et commissions de la dette publique, soit environ le double du budget de la santé. Si nous calculons le total des dépenses de la dette publique, appelées service de la dette nous constatons que le montant atteint plus de 150 milliards de dirhams par an, soit plus de 10 fois et demi le budget de la santé. Ces chiffres se reflètent dans l’énorme déficit du secteur de la santé au niveau des structures, équipements et cadres médicaux dont souffrent les familles marocaines et qui supportent plus de la moitié de leurs dépenses en santé.

Le surendettement peut-il ralentir le plan relance économique post coronavirus ?

Structurellement, le service de la dette absorbe une partie importante des ressources nécessaires pour les besoins sociaux comme on vient de le voir pour la santé. Mais il limite aussi les investissements dans les infrastructures publiques de base, les programmes nécessaires à la croissance économique. La crise de Corona va augmenter l’endettement et impactera sévèrement la relance économique.

Quelle politique devrait-être menée pour faire face à la crise économique provoquée par le coronavirus ?

La crise de Corona à mis en lumière les dégâts des politiques néolibérales suivis par la Maroc. On a privatisé les services publics, on subventionne et on donne des facilités fiscales les grands producteurs-exportateurs alors que le déficit commercial (et alimentaire) ne cesse de se creuser. Notre dépendance alimentaire est accentuée.

Pour dégager les moyens financiers nécessaires pour subvenir aux besoins de santé urgents, il faut commencer par arrêter le remboursement de la dette publique et non pas contacter d’autres emprunts. En Equateur, l’Assemblée nationale a adopté une résolution demandant que face à la pandémie du coronavirus, toutes les ressources de l’État soient mobilisées pour la combattre. En conséquence, elle demande au gouvernement du pays de solliciter auprès du FMI et d’autres organismes créanciers la suspension du paiement de la dette extérieure. Il y a plusieurs appels dans ce sens pour les pays du Sud Global. L’annulation de la dette publique permettra de dégager les ressources financières nécessaires pour un modèle de développement basé sur la satisfaction des besoins fondamentaux de larges couches populaires et l’adoption de politiques publiques qui assurent une vie décente, soutiennent les principaux produits de consommation, instaurent un système d’indexation automatique des traitements et des salaires au coût de la vie, fournissent des logements adéquats et des services publics gratuits et de qualité, garantissent les droits des femmes, instituent un impôt progressif sur les fortunes,  respectent l’environnement, etc. Ce qui nécessite de vraies institutions démocratiques, souveraines, qui établissent un contrôle populaire effectif sur la mise en œuvre de leurs programmes.

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