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Entre la dette et le développement Il faut choisir

 

Entre la dette et le développement

Il faut choisir

 

Omar Aziki, Secrétaire général d’ATTAC Maroc, association membre du réseau international du Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde (CADTM). 

 

Le Ministère de l’économie et des finances (MEF) a annoncé le 22 mai une nouvelle sortie du trésor sur le marché international. Le Maroc a obtenu deux nouvelles lignes d’un montant global de 750 millions de dollars. Désormais, le recours au marché international est le moyen pour améliorer la situation critique des réserves de change. Déjà, le Maroc y a levé un emprunt de 1 milliards d’euros en 2010, et 1,5 milliards  dollars en 2012. 

Si l’économie marocaine est au pied du mur, c’est le résultat de choix économiques et politiques. La dette n’est que le symptôme de cette crise. Contrairement à ce que développe le discours ambiant, la dette n’est pas une fatalité et ne peut être réduite à une simple question technique. La dette dans sa composante extérieure est un mécanisme de transfert des richesses du Sud vers le Nord. L’emprunt sur le marché interne profite aux grands capitalistes locaux. C’est ce que nous appelons «le Système dette» qui pose des questions liées à la démocratie et au modèle de développement au Maroc.

 

La dette c’est neuf fois le budget de la santé  

Avant de détailler ces deux points, démystifions la dette publique marocaine. Derrière les tableaux et les courbes se cachent une hémorragie des finances publiques.  La dette publique équivaut à 71% du PIB. Cette dette  est en courbe ascendante (voir graphiques). Elle a atteint à fin septembre 2012, le montant de 583 milliards de DH (MMDH). La dette extérieure est estimée à 196 MMDH (20%) et la dette intérieure à 387 MMDH (80%). Le service de la dette (montants empruntés+ intérêts) a atteint 108 MMDH, ce qui équivaut à 2,12 fois le budget de l’éducation, 9 fois le budget de la santé, et 1,83 fois le budget des investissements publics. Le seul poste budgétaire qui est épargné par l’austérité depuis 30 ans, c’est celui du service de la dette.  En sabrant 15 MMDH dans le budget de l’investissement, le gouvernement Benkirane ne déroge pas à cette règle. La crainte de subir les foudres des Institutions financières internationales (IFI), Fonds monétaire international (FMI) en tête, obsède les décideurs marocains. Aux injonctions du FMI, s’est ajouté le dictat des agences de notation qui font et défont les économies des pays.

Résultat : entre 1983 et 2011, le Maroc a remboursé à ses créanciers internationaux plus de 115 milliards de dollars, soit 8 fois sa dette initiale ! Et ce n’est pas encore fini, il lui reste encore à rembourser 23 milliards de dollars. Le service de la dette a absorbé en moyenne 94 MMDH par an durant les 8 dernières années (entre 2004 et 2011), dont 18,5 MMDH pour la dette extérieure et 75 MMDH pour la dette intérieure. Pour ces raisons, le recours à la dette doit faire l’objet d’un débat public car il a des répercussions importantes voire dramatiques sur la vie quotidienne de la population.  

Une question de démocratie

Première question que pose la dette, c’est celle de la démocratie au sein d’un Etat. Les gouvernements successifs au Maroc dépassent fréquemment le montant des emprunts annoncés dans Les lois de finances (LF). Sans revenir au Parlement pour voter une Loi de finances rectificative, l’Exécutif décide de lui-même d’emprunter de l’argent et hypothéquer l’avenir des générations futures. A quoi sert alors le vote par le Législatif de la LF ? Pire, l’étude et le vote de la Loi de règlement (LR), faisant l’état des lieux des recettes et des dépenses effectives de l’Etat a connu un retard  historique. Certes, un effort a été fourni pour rattraper ce décalage mais à quel prix ? Aux oubliettes, la reddition des comptes. Pour rappel, le projet de LR devrait être déposé  à la fin de la deuxième année budgétaire qui suit l’année d’exécution de la loi de finances. Le MEF a encore un retard d’une année à combler (il reste deux années, c’est-à-dire les LR de 2010 et 2011).

Echec du néolibéralisme 

La deuxième question liée au recours à la dette est celle du modèle de développement promu par le Maroc. De manière continue, le pays a eu recours à la dette pour boucler son budget. Cet endettement nous a conduit au sinistre Programme d’ajustement structurel (PAS) des années 80 et à la perte de notre souveraineté nationale. 30 ans après nous sommes de nouveau pris dans le cycle infernal de la dette. Pourtant, «les reformes structurelles», basées sur le Consensus de Washington devaient nous apporter des Investissements directs étrangers, une réduction de la pauvreté et la création de l’emploi. Il n’en  a  rien été. Les privatisations, les dérégulations, les Accords de libre-échange, le démantèlement de la Caisse de compensation, les baisses d’impôt n’ont pas apporté la «croissance inclusive» tant promue par les IFI. En dix ans, des investissements essentiellement spéculatifs et monopolistiques ont permis à quelques heureux élus de faire fortune, pendant que le citoyen de base jongle avec la cherté de la vie et la quasi stagnation des salaires.  

Un audit de la dette marocaine

Plutôt que d’en rester à des  ressources budgétaires étriquées et volatiles (agriculture, tourisme, transferts des MRE), notre pays se doit de faire des choix audacieux. Il doit notamment revoir son modèle de développement et sa composante fiscale. Il est anormal d’exonérer les grands agriculteurs et les grandes fortunes. Une deuxième piste consisterait à mobiliser des ressources financières non génératrices d’endettement. Et enfin, un audit de la dette publique marocaine s’impose. Il est du droit des citoyens marocains de demander des comptes. Cette revendication démocratique est de base et nécessaire pour créer une culture de la reddition des comptes et pour instaurer des instruments de contrôles des choix stratégiques du pays. Aujourd’hui, la spirale de l’endettement est une entrave au développement. Il y a donc un choix à faire. Pour notre part, le Maroc de la dignité et la justice sociale auquel nous aspirons passe par la rupture avec ce «système dette».   

Bio

En 2012, O. Aziki a été élu secrétaire général de l’Association pour la Taxation des Transactions financières et pour l’Aide aux Citoyens (ATTAC Maroc). Cette association d’éducation populaire lutte, entre autres, contre les politiques d’ajustement structurel, les Accords de libre échange et la gestion déléguée. Elle appelle à un «Autre Maroc possible». Pour plus d’infos : www.attacmaroc.org

 

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