La station thermique à Safi, un écocide en préparation
Salaheddine abir
Cette installation mettra fin aux ressources naturelles de la région et causera des maladies graves chez les populations
Le jeudi 8 septembre 2011, une explosion retentit dans la périphérie de Safi, une ville marocaine située à 200 km au Sud de Casablanca. Un grave incident industriel se produit au Complexe Maroc chimie » se trouvant à 7 km du centre-ville. Des fuites de gaz toxiques se sont produites ce jour-là causant des malaises chez plus de 100 habitants. Ces blessés ont du être transportés d’urgence à l’hôpital régional. Faute de moyens, cette infrastructure hospitalière n’a pas pu leurs apporter grand secours.
Pour les citoyens de Safi, ces fuites toxiques ne sont qu’un nouveau signal d’alarme provenant de ce Maroc Chimie. L’état de cette usine géante inquiète les habitants de la ville depuis des années 60. La population vit une situation de panique permanente face à la menace de nouvelles émanations nocives. Les citoyens protestent depuis des décennies contre cette usine polluante et exigent l’accès au droit à la santé. En même temps, les habitants de la ville portent des revendications socio-économiques relatives à l’emploi des jeunes. Pour la population locale, ce complexe chimique n’a pas eu d’effets positifs sur la situation sociale et économique de la région. Pourtant l’Office chérifien des phosphates (OCP), entreprise publique exploitant cette usine, tire chaque année des recettes non négligeables de cette industrie depuis 1965.
Safi, ville pour industrie polluante
Alors que les Safiotes, habitants de Safi, soignent leurs malades à cause de cette industrie polluante, les décideurs politiques ont choisi notre ville pour installer une nouvelle station thermique. Ce projet a été chassé par la population d’Agadir (300 km au Sud) pour atterrir dans notre ville. Cette station est présentée comme un moyen pour lutter contre le chômage qui sévit fortement chez les jeunes de Safi. En réalité, cette station emploiera dans les meilleurs des cas, 800 personnes pour une production annuelle de 10 milliards de KW.
Les dégâts qui devront être causés par ce projet, en cours de construction, sur l’environnement et la vie humaine seront considérables. Nous pensons que Safi va accueillir le plus projet industriel le plus nocif de l’histoire du Maroc.
L’Office national d’eau et de l’électricité (ONEE) est le porteur du projet. Il a choisi le site de « Sidi Daniel », sur la côte atlantique en région de Safi, non loin du Complexe de l’OCP. Le marché de la construction de la station a été remporté par un consortium international composé de GDF Suez (France), Mitsui & Co., Ltd (Japon) et Nareva Holding (Maroc).
La faune et la flore en danger
Comme nous l’avons signalé ci-haut, la station thermique est un projet dangereux. Cette unité de production de l’énergie électrique à partir du charbon utilisera 400 000 m3 d’eau de mer pour le refroidissement des machines. Cette énorme quantité d’eau polluée sera ensuite rejetée dans l’océan. Elle devrait constituer au fil du temps une couche au niveau de la côte bloquant l’infiltration des rayons du soleil dans les profondeurs de la mer. L’oxygène disponible et nécessaire pour la biodiversité marine diminuera avec le risque d’un déplacement de ces espèces.
Deuxième conséquence, le réchauffement climatique avec la hausse des températures de l’océan. L’exploitation massive des eaux marines créera un environnement désoxygéné et un terrain fertiles pour les microbes. Les milieux vivant halieutiques et végétaux seront fortement impacté par le changement de l’équilibre naturel de ce site.
Troisième risque est lié à l’absorbation des crustacés de ces poisons rejetés par la future station, avec la possibilité de la consommation de ces produits de mer par les êtres humains. Quatrième conséquence est liée la combustion du charbon dans cette future station. Ce charbon augmentera le taux de CO2 et le monoxyde de carbone. A leur tour, ils élèveront la pression atmosphérique et provoqueront des pluies acides composées de dioxyde de soufre et de dioxyde de carbone. Ces précipitations détruiront la faune. Les plantes des zones environnantes vont être atteintes par ces matières chimiques toxiques. L’espace animal, spécialement le bétail sera sous la menace de subir une dégénérescence cellulaire et l’apparition de malformations congénitales causées par des l’herbe saturé de substances toxiques.
Donc, le risque environnemental encouru par la ville de Safi est énorme. Les études montrent la richesse maritime des côtes safiotes connaissent une migration massive vers d’autres régions à cause de la pollution. Par conséquent, le port de Safi a perdu son premier rang au Maroc. En 1970, ce port exportait 150 000 tonnes, actuellement, l’export ne dépasse par les 60 000 tonnes. Cette baisse drastique a ruiné l’industrie locale de transformation de poisson. Des milliers de travailleurs ont été licenciés, ce qui a accentué la pauvreté et le désespoir dans la ville. Safi sombre depuis plus d’une décennie dans une situation sociale difficile marqué par le chômage des jeunes, l’absence de services de base de qualité (santé, logement, éducation, etc…).
Le danger de cette station provient de la présence du charbon. Un charbon qu’on nous présence comme « propre ». En réalité, aucun charbon ne peut être qualifié de propre. Même le charbon végétal est toxique. Le charbon qui sera utilisé comprendra de l’arsernic, une matière hautement toxique. Se pose la question qui va instaurer les règles pour exploiter ce charbon ? Et qui va contrôler l’application de ces règles ? Qui va gérer le traitement de ces déchets ? Nous craignons que les décharges de charbon seront des sources de nuisances pour les habitants des villages voisins de la station et tous les habitants de Safi.
Des ONG lancent des signaux d’alarme
Un rapport du département de l’Environnement marocain, intitulé : « Les questions environnementales et les efforts du Maroc en la matière » affirme que le secteur de l’énergie produit 50% des gaz à effet de serre au Maroc à l’origine du réchauffement climatique. L’axe Mohammedia-Safi connait le taux de pollution de l’air le plus élevé au Maroc à cause de la concentration des activités industrielles entre ces deux villes.
Selon un rapport de la section de Safi de l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH), les habitants de la ville et ses environs respirent de l’air comportant du sulfide contenant du souffre dégagé par les cheminés du Complexe chimique. Le taux d’inhalation de cette substance est dix fois plus élevé par rapport à celui d’une ville comme Paris en France.
Pour sa part, le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) avait demandé à l’Etat d’assumer ses responsabilités face au climat pollué que connait la ville de Safi. Cette même source affirme que la majorité des émissions de gaz est due à la hausse continue des activités du « Complexe », sans prendre en compte les conditions de santé, de sécurité et de protection de l’environnement. Cette usine ne soucie guerre du sort réservé à la population. Les fuites des gaz est désormais récurrentes, surtout que ce complexe ne dispose pas de moyens pour atténuer l’effet de ces gazes sur la population, spécialement les gazes dégagés des cheminés SO-2S30-3S0, des fonderies de souffre, des usines utilisant l’acide phosphorique (Maroc Phosphore 1) et l’atelier de l’acide sulfurique.
Traduction: Salaheddine Lemaizi