Attac Maroc

LE PACTE MONDIAL POUR UNE MIGRATION SÛRE, ORDONNEE ET REGULIERE: UNE PORTE OUVERTE AUX MIGRANTS OU UN RENFORCEMENT DES OBSTACLES AU DEPLACEMENT DES PERSONNES ?

Lors de l’adoption du « Pacte pour une migration sûre, ordonnée et régulière », à Marrakech le 10 décembre dernier, plusieurs pays ont refusé de signer, tandis que les droites extrêmes –européennes notamment- criaient au laxisme et alertaient sur la déferlante migratoire que ne manquerait pas de susciter un tel pacte. A croire qu’aucun d’entre eux n’avait lu le texte. Pourtant dès le titre, la perspective est donnée : ordre, régulation, sécurité. On est bien loin des recommandations du Rapport mondial sur le développement humain, présenté par le PNUD en 2009, traitant de la question migratoire : « Lever les barrières : mobilité et développement humain ». S’ils avaient vraiment lu le texte, ils auraient pu appréhender la vision frileuse, protectionniste, sécuritaire et utilitariste d’un pacte qui se positionne résolument du côté des gouvernements et des intérêts qu’ils défendent, plutôt que de celui des personnes et des peuples. Le préambule de la Charte des Nations unies commence pourtant par cette formule : Nous, peuples des Nations Unies… Les Etats l’auraient-ils oublié ?

C’est en tous cas sur cette base que se fonde la critique que nous faisons de ce pacte, déjà promis avant même d’être ratifié à n’avoir qu’un impact limité, car il est non contraignant sur le plan juridique, et il réaffirme le droit souverain des États de déterminer leur politique migratoire nationale et régir les migrations relevant de leur juridiction comme ils l’entendent. Autant dire que le Pacte renonce à l’affirmation de valeurs et principes forts, qui ont toujours été les fondements des textes internationaux portés par les Nations Unies, et auxquels tous les Etats du monde entier sont astreints de se conformer, dans le strict respect des droits humains.

  . Le pacte ne fait aucune référence à la liberté de circulation des personnes et au droit pour toute personne de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat et  de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. (l’article 13 de la Déclaration universelle des droits humains).Il est par ailleurs muet sur l’érection des murs, barrières, dispositifs de surveillance et de répression qui freinent ou anéantissent l’exercice de ce droit.

Ce pacte, non contraignant et reflet des politiques responsables de la « crise migratoire » actuelle n’est pas un texte de réaffirmation des droits des personnes migrantes, des valeurs et des principes devant régir les relations entre personnes et communautés. Il se présente davantage comme une boîte à outil légitimant les pratiques actuelles en matière d’obstacles à la liberté de circulation, permettant aux Etats de réguler/freiner conjointement les flux migratoires, plutôt que comme un texte de référence en matière de droits des migrants et des migrantes. Il se met au service des Etats, et derrière eux des tenants de la finance et des multinationales, au détriment des personnes et de leurs droits fondamentaux. Il entérine une vision utilitariste de la migration et réduit la personne migrante à un agent ou à un sujet anonyme au service du développement des pays d’accueil et d’origine, sans aucune considération pour tout ce qui fait que l’homme est l’homme, dans toutes ses dimensions culturelle, affective, relationnelle, etc. Parallèlement il insiste sur le rôle négatif des migrations qui « affectent nos pays ».

Face à cette vision frileuse, protectionniste, porteuse de xénophobie et de racisme, il convient de réaffirmer

De plus en plus de personnes, à tous les niveaux des routes migratoires, au Sud comme au Nord, s’impliquent dans une solidarité active avec les personnes migrantes, scandalisées du sort qui leur est réservé, des conditions indignes, des dispositifs d’enfermement qui leur sont imposés, révoltées par le sang versé sur les routes migratoires, dans le désert, dans les mers ou les océans. Elles montrent au quotidien comment la solidarité, l’humanité, le dialogue entre les personnes et les peuples peuvent être à la base d’une politique migratoire accueillante et hospitalière.

Lucile Daumas

30 décembre 2018

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