الديون

Lettre aux députés français sur les dettes tunisiennes


Objet : Venue en France du Président de la Tunisie ce mercredi 18 juillet – audit de la dette publique extérieure de la Tunisie

Mesdames et Messiers les député-e-s,

ce mercredi 18 Juillet 2012, vous rencontrerez le Président de la République Tunisienne Moncef Marzouki. C’est la première venue en France du nouveau Président de la Tunisie depuis le départ de Ben Ali.

Il y a un an le peuple tunisien chassait le dictateur Ben Ali et exigeait la justice sociale. Mais en 2012, la situation économique et sociale peine à s’améliorer du fait notamment de la dette colossale héritée de ce dictateur. En effet, la majorité des ressources financières du pays est actuellement allouée en priorité au remboursement des dettes. A titre de comparaison, le budget consacré au remboursement de la dette publique tunisienne représente 8 fois le budget des affaires sociales, 8 fois celui du développement régional, 3 fois celui de la santé et presque 6 fois celui de l’emploi.

Face à cette situation, il est urgent de suspendre le remboursement de cette dette et de mettre en place un audit. L’audit permettra de comprendre les circonstances entourant la conclusion de ces prêts, leur utilisation, d’identifier les responsabilités et déterminer la part odieuse et illégitime1 de celles-ci afin de l’annuler sans conditions.

Plusieurs arguments plaident en ce sens :

La société civile tunisienne à travers l’association RAID (membre des réseaux internationaux CADTM et ATTAC) a lancé une campagne au lendemain de la chute de Ben Ali pour exiger la suspension, l’audit et l’annulation de la part odieuse de la dette afin de satisfaire aux besoins essentiels de la population.

En Europe, un appel lancé en 2011 par le CADTM et les euro-députées Marie Christine Vergiat et Gabi Zimmer en faveur d’un moratoire et d’un audit des créances envers la Tunisie a été signé par plus de 120 parlementaires en Europe2.

Deux résolutions parlementaires ont également été adoptées en 2011 reprenant les mots d’ordre de la campagne tunisienne : moratoire et audit indépendant de la dette tunisienne. La première résolution a été prise par l’Assemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE en mai 20113 et la second adoptée en juillet 2011 par le Sénat belge4.

Enfin, le 10 mai 2012, le Parlement européen adoptait une résolution sur la stratégie de l’UE en matière de commerce et d’investissements pour le sud de la Méditerranée après les révolutions du Printemps arabe qui «  juge odieuse la dette publique extérieure des pays d’Afrique du Nord et du Proche-Orient sachant qu’elle a été accumulée par les régimes dictatoriaux, par le biais principalement de l’enrichissement personnel des élites politiques et économiques et de l’achat d’armes, utilisées souvent contre leurs propres populations5“.

Soulignons que certains prêts de la France ont probablement servi à financer du matériel de sécurité et de répression en Tunisie (comme en témoigne l’affaire “Amesys6” ou encore l’exportation avortée de matériels de sécurité le jour même de la fuite du président Ben Ali). Ce qui nous amène à nous interroger sur la légitimité des créances françaises envers la Tunisie.

Dans ces conditions, la France doit prendre ses responsabilités et décider de :

– refuser le paiement de la dette tunisienne à son égard le temps qu’un audit soit réalisé;

– faciliter un audit de cette dette en mettant à disposition des instances tunisiennes tout document utile à sa réalisation. En effet, le Président Marzouki s’est publiquement prononcé pour un audit de la dette tunisienne7;

– ne pas prendre de mesures de rétorsion contre l’État tunisien au cas où il prendrait des mesures unilatérales sur sa dette;

– annuler les créances odieuses et illégitimes détenues envers la Tunisie à l’instar de la Norvège. C’est tout à fait possible, en effet, la Norvège a montré la voie à suivre en 2006 en annulant unilatéralement et sans conditions ses créances illégitimes sur cinq pays. Rappelons que la France est le premier créancier bilatéral de la Tunisie.

– intensifier, au sein des forums internationaux, son action diplomatique en vue de l’annulation des dettes publiques extérieures considérées comme « odieuses » détenues par les institutions multilatérales à l’encontre de la Tunisie. En effet, la France a un rôle important à jouer compte tenu de son poids politique au sein de l’UE et des Institutions financières internationales.

La France et la Tunisie sont à un tournant de leurs histoires respectives, c’est l’occasion de reconstruire une relation sur des bases saines de respect mutuel, de réciprocité et de fraternité entre les deux rives.

Dans l’attente de votre réponse, veuillez recevoir l’expression de nos salutations distinguées.

ACET (Auditions les Créances européennes envers la Tunisie)

CADTM (Comité pour l’Annulation de la dette du Tiers-Monde)

 

1 Sur la dette odieuse et illégitime : http://www.cadtm.org/Dette-illegitime-l-actualite-de-la

Contacts:

 Renaud Vivien, juriste au CADTM (Comité pour l’Annulation de la dette du Tiers-Monde ;cadtm.org) 0032 (0) 497 04 79 99

Chafik Ben Rouine, porte-parole du collectif ACET (Auditons les créances envers la Tunisie ; chafikbr@gmail.com) 0033 (0)6 85 74 09 91

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